Pour Toca, tout avait commencé en 2004 par l’un de ces CD-R dont le rap indé californien est coutumier, un petit bijou de métissage entre rock et rap intitulé Dancing with Skeletons. La promesse d’un véritable album avait suivi, mais les mois s’étaient écoulés sans que jamais rien ne vienne. Les membres du groupe étaient pourtant actifs, comme le prouvaient les albums solo des frères Ramos. En 2005, le quartet avait même proposé un titre sur le disque anniversaire du Project Blowed, puis en 2006, une ouverture s’était présentée avec la sortie annoncée de l’album sur net31. Mais peu de temps après, le label avait mis la clé sous la porte. Si bien qu'au fil des années, l’album de Toca était devenu l’Arlésienne de la scène rap indé.

TOCA - Toca

Et puis finalement, en mai 2007, il est sorti, et il s'est montré en tout point conforme aux attentes. Des nombreuses convergences entre rap, pop et rock délivrées par des artistes hip-hop indé, celle-ci était l'une des plus accomplies et des plus riches, celle qui sonnait la moins artificielle, la mieux digérée. Avec une spontanéité et une évidence confondantes, Toca brassait 40 ans de musique populaire, des Beatles au rap ultra-rapide propre à la scène qui les as vus naître, en passant par la synth pop des années 80. Chœurs, paroles en anglais ou en espagnol, phrasés de dingue, cuivres retentissants, guitares hispaniques, saignées punk et jolies mélodies s’emmêlaient. Jazz, reggae, funk voire comédie musicale, venaient épicer le tout, parfois sur un seul et même titre ("Nice Try"), aboutissant à une myriade étourdissante de tubes : "Toca Cant Dance", "Liar", "Ship Sinking" ou encore ce "Hearts and Gold" jubilatoire où se bousculaient rien de moins que Busdriver, Pigeon John et Ellay Khule, tous au meilleur de leur forme.

Depuis 2004, le groupe s'était enrichi de deux nouveaux membres avec les musiciens Max Heath et Danny Levin (un collaborateur du meilleur groupe de rock du monde, Built to Spill), et ces renforts avaient permis à Xololanxinxo, Tommy V., Ceschi et David Ramos d’étoffer la musique de Dancing with Skeletons. Cet apport était évident sur les deux titres qui figuraient déjà sur la sortie précédente (et qui en étaient déjà les deux meilleurs) : un "Joy Fool Misery" rebaptisé "Joyful Misery" et devenu plus punk, agrémenté d'une réflexion très juste sur l’exigence de bonheur qu’imposent nos sociétés ; et un "Where are You ?" changé en un magnifique "Ship Sinking", qui gagnait ici en puissance ce qu’il perdait en fragilité.

Ce premier disque officiel n’avait au fond qu’un défaut : excepté avec le pâle mais beau "Irreplaceable", il lui manquait la fibre touchante du They Hate Francisco False de Ceschi, le chef d’orchestre du groupe. Mais il avait tout le reste : les hits, la constance, et des rappeurs, Aceyalone, Existereo, Lucky.iam, parmi les meilleurs de l’underground californien. Il avait aussi de l’inventivité à revendre, et il atteignait l'équilibre parfait entre modernité et tradition. Bref, avec l’album tant attendu de Toca, il n’avait jamais été si agréable de ne pas être surpris.

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