Cela fait un moment déjà que Serengeti traine ses guêtres dans l'underground rap. Depuis Dirty Flamingo en 2003, il a même été particulièrement prolifique, allant jusqu'à sortir quatre albums en 2006, dont le conceptuel Dennehy. Longtemps, le rappeur de Chicago, David Cohn de son vrai nom, est resté un second couteau, mais à force de persévérance, il s'est fait un trou, passant chez Anticon à l'occasion de son deuxième duo avec Polyphonic, Terradactyl, formant un trio appelé S / S / S, avec Son Lux et Sufjan Stevens, et sortant en 2011 son album le plus accessible et le plus séduisant.

SERENGETI - Family & Friends

Family & Friends ne jure pas chez Anticon, il est dans son élément. Cet album est même, quelque part, un retour aux bases pour ce label emblématique de l'indie rap, après sa diversification dans tous les genres musicaux imaginables.

D'abord, il y a les paroles, dans le registre des singers-songwriters des années 70, avec l'exposé de problèmes relationnels (père-fils sur "Long Ears", amant-maîtresses sur "Godammit"), plutôt que dans les fanfaronnades habituelles au rap. Serengeti ne se vante pas, il ne s'adonne pas aux attaques et aux offenses, mais il parle des fêlures et des soucis de la vie, jouant des personnages distincts, sur le mode du spoken word, voire de la conversation, comme avec ce "The Whip" où il parle des états d'âme d'un champion d'arts martiaux.

Bref, Serengeti livre du rap adulte, le cœur à vif. Mais il n'est jamais ennuyeux, humour et cynisme aidant, comme sur ce "California" qui joue du contraste entre ses paroles de dépressif et un refrain lumineux, optimiste et très californien.

La qualité de l'album doit aussi beaucoup à la musique. Là encore, avec adresse, il revient aux fondements du rap indé, ou plutôt de cette portion du rap indé qui aime à se mélanger avec son homonyme rock. Il y a ici du boom bap et de bonnes vieilles boucles, mais doublées d'une instrumentation variée, orchestrée, de nombreuses mélodies, d'un esprit lo-fi, voire de quelques chants, interprétés notamment par Yoni Wolf de Why?, avec sa voix nasillarde caractéristique.

Ce dernier produit aussi une bonne part des titres, partageant la tâche avec Owen Ashworth (alias Advance Base, ex Casiotone For The Painfully Alone), et cela se ressent. Car cet album, par ses beats, ses bidouillages bringuebalants, son storytelling, ses thèmes extraordinairement ordinaires, sa douce ironie, mais aussi par sa courte durée et par son côté inachevé, esquissé, sonne tout à fait comme du Why?

Et souvent, irrésistiblement, comme du très bon Why?

Acheter cet album