S'il y a un homme auquel la cuvée rap 2013 donne raison, il s'agit bien de Gucci Mane. Ce dernier a beau se débattre dans d'énièmes démêlées judiciaires et être confronté à la sécession de son plus beau poulain, Waka Flocka, tout cette année consacre sa trap à lui. Outre sa propre production (une nouvelle mixtape chaque mois, tout de même), l'Homme Gucci a vu certains de ses disciples proposer des sorties parmi les plus remarquables de ces derniers mois. Tour à tour, Young Scooter, puis Young Thug, se sont distingués. Et puis, l'été dernier, ce fut le tour de Migos avec Young Rich Niggas, trois rappeurs, qui pourraient passer aisément pour les fils illégitimes du rappeur le plus éminent de leur bonne ville d'Atlanta.

MIGOS - Young Rich Niggas

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Takeoff, son jeune oncle Quavo et Offset (en prison à la sortie de la mixtape...), donnent comme le maître dans un rap si caricaturalement tourné vers les stupéfiants et les plaisirs matériels qu'il en est absurde ; un rap si absurde qu'il en est humoristique et irrésistible. L'exemple type, c'est "Bando", le titre qui les a fait connaître, une ritournelle nommée d'après les maisons abandonnées où les dealers organisent leurs trafics illicites. Mais d'autres titres cartonnent aussi, dans le même genre burlesque, comme ce "China Town", où les trois rappeurs listent tout ce qui, bon an mal an, évoque la culture asiatique (Mortal Kombat, etc...), ou comme encore cet "Hannah Montana" qui, intitulé d'après la série Disney Channel qui a révélé Miley Cyrus, se consacre à célébrer la molly, la drogue du moment.

Comme Gucci Mane, encore, ces trois hommes privilégient des raps simples, qui sonnent comme des comptines, et qui jouent du contraste entre le côté enfantin des rimes et le contenu explicite des paroles. Leur truc à eux, c'est de répéter sans cesse le même mot, à la manière d'un slogan, jusqu'à ce qu'il ne quitte plus la tête de l'auditeur : "Versace", par exemple, sur le morceau du même nom, celui même qui leur a fait une publicité monstre, quand Drake s'est déclaré fan et s'en est offert un remix. Et puis il y a la musique. Et là non plus, on ne s'éloigne pas du maître avec ces sons synthétiques claironnants signés de piliers du genre comme Zaytoven, responsable de quelques uns des tubes de la mixtape, notamment "Versace", "Bakers Man" et "R.I.P.", dédié au récemment décédé OG Double D.

La particularité de Migos, cependant, c'est leur posture loufoque, manifeste tant dans les beats, par exemple la musique de cirque qui accompagne "Bando", que dans les exercices vocaux du trio. Onomatopées en rafale, chants absurdes à l'auto-tune ("Bakers Man"), débit frénétique ("Cook It Up"), les trois compères semblent prendre un malin plaisir à cultiver et à exacerber leur image de dingos. Et ils n'invitent à leurs côtés, outre Gucci Mane sur "Dennis Rodman", que des cinglés de leur espèce comme Trinidad James, Riff Raff et Soulja Boy. Bref, en 2013, les trapers d'Atlanta et d'ailleurs semblent avoir été pour de bon grillés par les drogues. Ils n'ont jamais été aussi bizarres et excentriques. Aussi, et en dépit des ratés et à-peu-près de cette mixtape, ils n'ont jamais été aussi réjouissants.