L'adjonction des termes "haïku" et "coup d'état" sonne bien étrange en français. Elle n'en traduit pas moins fidèlement l'esprit de cette œuvre singulière, qui associait la concision et la force d'évocation de la poésie japonaise à une révolution bien menée dans le palais hip-hop. Ce qui ne surprendra personne, quand on rappellera que le trio derrière ce projet était composé d'un membre de Freestyle Fellowship, Mikah 9, d'un fondateur de la scène Project Blowed, Abstract Rude, et d'un troisième larron qui a été les deux à la fois, Aceyalone. Soient trois hommes habitués de longue date à repousser et à franchir les frontières du rap.
Pure Hip Hop / Decon :: 1999 / 2004 :: acheter cet album
MC's come and go
Using little skill to show
While we overthrowLes MCs vont et viennent
Démontrant leur peu de talent
Et nous les renversons
Ainsi se présentait le véritable haiku qui accompagnait ce disque, en conclusion, rappelant à juste titre l'éclatante supériorité des MCs d'exception qui formaient ce trio. La figure centrale du projet Haiku d'Etat, pourtant, n'était pas un rappeur. Ancien batteur du groupe rock alternatif Third Eye Blind, Adrian Burley en était, en effet, le vrai orchestrateur. Il était à l'origine de ce premier disque, il l'avait produit, et il avait rassemblé toute une escouade de musiciens issus comme lui de la Baie de San Francisco, David Boyce (saxophone), Emerson Cardenas (basse), Michael Cavaseno (guitare) pour accompagner nos trois rappeurs de Los Angeles.
Pas de machines, en effet, sur ce disque. L'instrumentation était 100% organique, et elle permettait d'offrir à ces rappeurs aux phrasés acrobatiques et prodigieusement libres le son jazzy et versatile qui leur allait le mieux. Grâce à elle, le trio passait par de multiples métamorphoses, il investissait de nombreux univers musicaux, depuis les mélodies chantées du début ("Haïku d'Etat" et "Non Compos Mentis") jusqu'à cet étrange "that's tight, I like that" répété ad nauseam par Aceyalone à la fin, sur fond de basse minimaliste et avec un toussotement en prime, en passant par plusieurs moments sous une forte influence reggae.
Mélopées africaines ("Studio Street Stage"), vapeurs de ganja et dub oppressant ("Los Dangerous"), rap à la cool ("S.O.S.", "Firecracker", "Other MC's"), déclamations sur fond d'orgue rétro ("Still Rappin"), délire avant-gardiste structuré autour d'un célèbre thème orientalisant ("West Side Slip n' Slide"), retour vers la Jamaïque avec une reprise de Bob Marley ("Kaya"). Telles étaient les étapes du long voyage d'Haïku d'Etat. Un voyage dépaysant, tour à tour apaisant et exténuant, mais redoutablement bien organisé, sur cet avatar de la longue lignée inaugurée au début des années 90 par Freestyle Fellowship et le Project Blowed.
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