Def Jam :: 2006 :: acheter cet album
Tout d’abord, constante chez The Roots, il y avait comme toujours ce son organique, ce feeling très live garanti par le fantasque batteur ?uestlove, le clavier Kamal et le bassiste Hub, secondés ici par un guitariste (Kirk Douglass), ainsi que par quelques autres musiciens, violonistes, violoncellistes ou percussionnistes.
Il y avait ensuite un parti-pris engagé et une noirceur peu commune sur ce disque enregistré au beau milieu de l’ère Bush, après l’ouragan Katrina, après aussi le décès de J Dilla. Les Roots rendaient hommage à ce dernier, et ils prenaient aussi le contrepied des raps festifs ou étincelants de ces années-là, en renouvelant les critiques de Public Enemy envers les médias ("False Media"), en parlant de guerre et de pauvreté, en donnant le ton dès un premier single intitulé "Don’t Feel Right".
Enfin, il y avait de l'éclectisme. Ce disque était imbibé de Black Music, la voix de baryton de Wadud Ahmad évoquant celle d’un Isaac Hayes ou d’un Barry White, "Don’t Feel Right" et "Clock with No Hands" jouant d’une nu soul délicate, et "Long Time" bénéficiant de violons soyeux et de la participation de Bunny Sigler, pionnier du Philly Sound. Mais le groupe flirtait aussi avec des sons synthétiques sur "Here I Come", ou rock, à nouveau, sur un "In the Music" angoissant, sur un "Livin' in a New World" qui évoquait Beck, et quand il samplait Radiohead sur "Atonment".
Ce disque était aussi le plus concis des Roots. Il se limitait à 45 minutes environ, et n’était alourdi par aucune spoken poetry longuette, ni aucun solo complaisant. Et Black Thought, dont le flow s’est parfois montré monotone, était relevé fréquemment par quelques invités, tous philadelphiens, comme Peedi Peedi, Dice Raw et un Malik B de retour dans son ancien groupe, au moment même où les Roots livraient ce qui pourrait bien être le tout meilleur album d’une carrière riche.