Le choc, la grande déflagration, le disque important qui a révélé le gangsta rap de la Côte Ouest, c'est Straight Outta Compton. Cependant, le dévastateur second album de N.W.A. n'est pas nécessairement le meilleur à être issu de cette scène, en cette fin des années 80. Son disque le plus accompli n'est peut-être sorti que l'année d'après, en 1989. Et il est signé The D.O.C., un rappeur qui a évolué dans l'ombre de nos "Négros avec du Caractère" en devenant, précisément (qu'on nous pardonne ce jeu de mot très limite)… leur nègre, leur ghostwriter, notamment celui d'un Dr. Dre qui a toujours été bien meilleur producteur que rappeur.

THE D.O.C. - No One Can Do It Better

Sur ce premier album, The D.O.C. démontre sa capacité à écrire les bons textes, à lancer des phases cultes, reprises par maints rappeurs depuis, par exemple cet introductif "one, and in comes the two to the three and four". Mais il se révèle aussi un redoutable rappeur. Et ses paroles, si l'on excepte le posse cut "The Grand Finale" avec N.W.A., n'ont en réalité pas grand-chose de gangsta. Pour impressionner, The D.O.C. s'appuie sur son aisance au micro et la rapidité de son flow plutôt que sur les débordements verbaux, sonnant par l'occasion plus New-yorkais que West Coast. D'ailleurs, il n'est pas vraiment californien : il provient du Texas.

Pour que la réussite soit totale, Dr. Dre se met au service de son compère et produit de main de maître l'ensemble de l'album. Ici, il n'est pas encore le révolutionnaire qui, trois ans plus tard, va changer pour toujours la production hip-hop. Musicalement, cet album n'est pas novateur. Seul le beat très relax de "The Formula" préfigure le g-funk. Pour l'essentiel, Dr. Dre propose des sons d'époque : samples dénichés pour une large part dans le répertoire funk (Sly Stone, et bien sûr Parliament et Funkadelic), beats frénétiques et trépidants à la Bomb Squad sur "Lend Me an Ear", "Whirlwind Pyramid" et "Portrait of a Master Piece", mélange rap / hard rock sur "Beautiful but Deadly". Mais tout cela s'avère sans tache ni temps mort, irréprochable.

No One Can Do It Better, le D.O.C. a-il intitulé cet album. A raison, car à cette époque, sur la Côte Ouest, personne ne peut mieux faire. Pas même lui, car notre homme bousillera bientôt son larynx pour toujours, dans un accident de voiture, sapant une carrière prometteuse, ne pouvant plus s'appuyer que sur l'amitié et le respect de ses compères, qui l'inviteront à dire quelques mots sur The Chronic et Doggystyle, les gros cartons à venir du rap californien.

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