Figure centrale du West Coast Underground, membre dans les années 90 du groupe culte Log Cabin, qui allait donner naissance aux Living Legends, alors qu'il s'associerait aux Shapeshifters, Radioinactive avait beaucoup tenté. Fort de son flow supersonique et multisyllabique, il avait déjà proposé un premier album effroyablement lo-fi (Fo' Tractor), un autre où le génie côtoyait le remplissage (Pyramidi) et un disque commun avec Busdriver et le beatmaker Daedelus (The Weather), qui comptait une poignée de tubes mais s'épuisait sur la longueur.

RADIOINACTIVE & ANTIMC - Free Kamal

Mush Records :: 2004 :: acheter ce disque

Ces disques, cependant, ne rendaient jamais tout à fait justice à son talent. Jusqu'à ce que, avec l'aide d'AntiMC, il finisse par le produire, ce véritable album plein de hits et de hip-hop globe-trotter aux idées larges, l’un des seuls disques issus de l'aventure Shapeshifters capables de séduire bien davantage quel les afficionados. Jamais, en effet, le hip-hop tordu et abscons de l'underground californien n'avait sonné si accrocheur qu'entre les mains de ces deux-là. Fort du emceeing en format libre de Radio et des beats catchy d'AntiMC, ce disque avait de quoi laisser circonspect la plupart des puristes du hip-hop, mais il pouvait être passé sans crainte à vos grands-mères. Il se pouvait même qu'elles adorent ça.

Ce rap là n'était pas chimiquement pur, avec ses escapades vers la pop et la world music. Les deux compères y appliquaient à la lettre les principes énoncés sur le tout premier titre : "don’t be in a clique, don’t be in a crew, don’t be pigeonholed, have no genre". Et cela les autorisait à tout oser, à multiplier les idées, avec la basse bondissante de "Movin' Truck", les chants suaves et tropicaux de "With Light Within", le reggae très "Police and Thieves" de "First World Justice System", les arabesques qui évoquaient l'origine égyptienne du MC sur le superbe "Magnets", la guitare acoustique endiablée de "Stop Me Equals Death", le synthétiseur de "Running with Scissors", ce jouissif "Folding Dirty Laundry" qui sonnait très british.

Tous ces beats étaient aussi fous que les raps du principal acteur de ce cirque, aussi délirants que les paroles surréalistes déclamées à toute allure par un Radioinactive toujours en verve. Support de Mush Records aidant, ils offraient à un large public, potentiellement, la joie de découvrir en format "free" celui dont le véritable nom était Kamal Humphrey de Iruretagoyena, de le voir affranchi de toute règle, libre de toute contrainte, et pourtant, plus irrésistible que jamais.