Il y eut un Madlib avant Madlib. Il y eut un temps avant que l'homme ne devienne le beatmaker surcoté que l'on sait. En 2000, sortit bien sûr le remarquable The Unseen de Quasimoto, son alter ego à la voix gonflée à l'hélium. Et plus tôt encore, en 1999, ce fut le cas de l'un des disques les plus saillants des débuts de Stones Throw, le label de Peanut Butter Wolf, ce Soundpieces: Da Antidote signé par ce trio, Lootpack, qu'Otis Jackson Jr. formait alors avec Wildchild et DJ Romes.
Stones Throw :: 1999 :: acheter ce disque
Avec cet album unique sorti par le trio, nous étions dans la première phase du mouvement rap indé, celle de la fin des années 90, quand il était encore lié à la génération précédente (Lootpack, notamment, étaient des protégés des Alkaholiks), qui prônait un retour aux origines et à la fraicheur du rap d’avant (cf. les paroles de "Interview"), à grands coups de style battle et de diatribes anti wack MCs, et dont les sons, quoi qu’on en dise, n’étaient pas des plus iconoclastes.
Les beats, même s’ils portaient déjà la signature Madlib, même si quelques velléités expérimentales s’exprimaient à l’occasion (les voix du bien nommé "Verbal Experiment"), s’éloignaient finalement peu d’un boom bap façon boucles en roue libre ("Level Zero" par exemple…). Ils faisaient preuve aussi d'une prédilection pour des cordes, des pianos et des voix soul, qui évoquait à l’occasion un Wu-Tang Clan californien en mode mineur ("Law of Physics", "Wanna Test"). Quant aux invités, outre les Alkaholiks, des rappeurs carrés à la Dilated Peoples et Defari, ils ne se montraient pas des plus imaginatifs. Bref, nous étions encore loin des franges les plus extravagantes de la scène West Coast Underground.
Ceci dit, Soundpieces était un disque solide. Et beaucoup plus qu’à ses raps linéaires et à sa thématique anti-wack à sens unique, il devait bel et bien ses meilleurs moments au travail de Madlib, à ces beats lents et atmosphériques à la "Questions", au midtempo indolent de "Long Awaited", voire à ces "Answers" et "20 questions" où le personnage de Quasimoto apparaissait pour les premières fois. Et, beaucoup plus qu’avec ces singles lassants et plats qu'étaient "The Anthem" et "Whenimondamic", l'album se distinguait par ce "Law of Physics" tout en cordes, par "New Year’s Resolution", par ce "Weededed" qui n'était pas tout à fait l’ode au joint attendue, et par ce "Wanna Test" tout plein de soul. Des morceaux tous plus relevés que ces boucles fatiguées qui vaudront plus tard au producteur une réputation pour partie usurpée de génie du hip-hop.