Cela avait commencé sous les meilleurs auspices pour Divine Styler, par la sortie de deux albums sur le label Rhyme Syndicate, d’Ice-T. Mais ni Word Power en 1989, ni l'expérimental Spiral Walls Containing Autumns of Light en 1991, ne sont allés bien au-delà du succès d’estime. Plus tard, pourtant, quelques fans et amis lui tendront des perches : on l'apercevra sur des albums de House of Pain, des Styles of Beyond, de Scott Herren (Prefuse 73) et de Maxim Reality (The Prodigy). Même l'Anglais James Lavelle lui permettra de sortir un troisième album chez Mo’Wax, un décevant Word Power Vol.2: Directrix. Mais rien n'y fera, Divine Styler restera une figure méconnue, il ne bénéficiera jamais la reconnaissance méritée.

DIVINE STYLER FEAT. THE SCHEME TEAM - Word Power

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Et pourtant, qu’il était bon ce Word Power. C’était, en premier lieu, du rap d'époque, gavé de scratches, avec des saveurs old school, et au meilleur de sa forme sur "Koxistin U4ria", sur ce "Tongue Of Labyrinth" nourri au "UFO" d’ESG, et sur les tueries "Free Styler" et "Ain't Sayin Nothing". Autre signe des temps, on y trouvait un instrumental plein de funk ("Play it for Devine") et des passages à faire pâlir de jalousie le Bomb Squad ("Get Up on It"). Mais ça ne s’arrêtait pas là.

A l’instar des Native Tongues, ses homologues en afro-centrisme, et avec l’aide du producteur Bilal Bashir, le Californien dynamitait le rap, il repoussait ses limites. Il proposait près de sept minutes de hip house délirante avec "The Last Black House on the Left", du spoken word d’avant la mode sur fond de Marvin Gaye ("Word Power"), des accents jamaïcain ("It's a Black Thing"), ragga ("In Divine Style"), voire carrément du reggae, et le meilleur qui soit avec ce "Rain" nostalgique à souhait. A quelques passages longuets près (ce "Divinity Stylistics" où le rappeur rendait hommage à toutes ses sources d’inspiration, Allah en tête, sur un sample du "Pusherman" de Curtis Mayfield), il n’y avait pas d’autre mot, c’était divin.

Divine Styler portait bien son nom, mais le titre de l'album, au contraire, se révélait insuffisant et trompeur. Car en plus de prouver le pouvoir des mots, le rappeur et son producteur démontraient avec Word Power celui de la musique : une musique qui annonçait quelques unes des audaces du futur, au point d'inspirer le titre d'un fanzine culte de l'underground rap (le In Search of Divine Styler du journaliste Ryan Somers, alias Fritz the Cat) ; une musique, aussi, qui a moins vieilli que bien d’autres issues de la même époque. Une musique à laquelle il ne manque maintenant plus qu’une chose : une réédition en bonne et due forme.