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LEXICON - Interview

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Quatre ans après leur tonitruant Rapstars EP, les frangins Nick et Gid Black de Lexicon, secondés par le guitariste Erich Schneider et le bassiste Alex Pauley, ont finalement sorti un nouvel album dans la même veine rock / rap, lequel a rempli toutes ses promesses. L’occasion était belle de les rencontrer pour mieux connaître les raisons de leur évolution vers cette recette qui leur va si bien, et pour qu’ils partagent leurs constats sur l’état du hip-hop ces dernières années.

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Pour autant que je m’en souvienne, le EP Rapstars est sorti en 2006, et l’album du même nom cette année seulement. Pourquoi a-t-il été aussi long de l’enregistrer et de le sortir ?

La première chose, c’est que nous n’avions pas assez de morceaux à l’époque du EP. Nous n’en avions qu’une poignée, et il a fallu du temps pour compléter l’album. Ensuite, il nous fallait trouver le bon équilibre dans ce mélange rock et hip-hop, trouver la bonne manière de faire, de façon sincère. Il nous a juste fallu du temps pour arriver au bon résultat, pour aboutir à quelque chose de fini.

A propos, où l’avez-vous enregistré ?

Nous l’avons enregistré à L.A.

Laissez-moi poser la même question que tout le monde sur cette formule rock + hip-hop. D’où vient-elle ? Quand vous est venue l’idée de mélanger les deux ?

Nous n’avons pas pensé en termes de formule, nous avons juste tenté de mettre ensemble tous les types de musique qui nous ont influencés. En ce qui concerne le hip-hop, nous pensions plus ou moins être arrivés au bout de ce qu’on pouvait faire dans ce genre particulier. Nous en avions assez. Nous voulions juste passer à autre chose.

Et à propos de cet intérêt pour la musique ? Comment en êtes-vous venus à écouter et du rock, et du hip-hop ?

Notre truc, quand nous étions plus jeunes, c’était le vrai hip-hop. Mais dans le même temps, nos parents écoutaient plein de new wave des années 80. Il y a donc eu un mélange des deux. Et puis, dans le milieu des années 90, on s’est éveillé au rock. Cela a construit les fondations, en quelque sorte. Cela nous a apporté un large spectre d’influences.

Peut-être pouvons-nous parler de ce que vous avez fait par le passé, des autres disques que vous aviez sortis…

Notre premier album, c’était It's The L!!, en 2001. Puis Youth Is Yours, à la fin de 2003.

A cette époque vous apparteniez à la scène hip-hop indé qui se développait alors, et vous étiez proches de gens comme les Styles of Beyond. Il semble que l’on parle nettement moins de cette scène aujourd’hui. Que sont devenus ces gens ? Etes-vous toujours en relation ?

La scène hip-hop indé dont tu parles a volé en éclat, en quelque sorte. Tout le monde s’est essayé à autre chose. Certains se sont mis à l'electro hip-hop. Tous ceux qui faisaient partie de cette scène ont voulu poursuivre leur carrière dans autre chose, quand tout ce hip-hop indé a commencé à devenir ennuyeux.

En ce qui nous concerne, c’est lié aux thèmes dont parle Rapstars, les filles, la vie, tout ça. Le hip-hop underground, c’était juste une petite bande de types, et on ne se voyait pas chanter devant eux toutes ces chansons sur les filles. Nous avons toujours voulu avoir du succès, nous n’avons jamais cru qu’il fallait rester underground. Et beaucoup d’autres groupes dans cette scène voulaient avoir du succès aussi.

Tu as mentionné Syles of Beyond. A présent, Ryu a un groupe avec Apathy, de la Côte Est. Et Takbir est dans une sorte de groupe electro. Ils font tous des choses différentes.

Ils ont pourtant sorti des choses ensemble encore récemment.

Oui, jusqu’à 2006 peut-être.

Il semble que le EP Rapstars a reçu un plutôt bon accueil en France. De gros magazines, des radios, et même la télé, en ont parlé. Une explication à ce succès français ?

Il ne s’est rien passé quand le Rapstars EP est sorti. Rien du tout. En tout cas rien en France. Ca n’a vraiment démarré qu’avec le morceau "Junk Food", issu de ce disque. Deux ans après. Et nous n’avons aucune explication.

Nous étions en contact avec Laitdbac l’année d’avant, et nous essayions de voir avec eux quoi faire de cet EP. Nous les tenions informés de l’avancée de l’album. Pour être totalement honnête, comme la France est un plus petit pays, nous pensions le tester là-bas. Et au cas où ça ne marchait pas, nous pouvions toujours le sortir aux US. C’était comme un round d’essai. Mais aujourd’hui, tout est centralisé ici en France.

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Je vous ai vus dans une vidéo d’Orelsan. Comment êtes vous entré en contact avec lui ?

Via The Toxic Avenger. Nous avons travaillé avec lui sur différents trucs et remixes. Au même moment, Orelsan était sur le premier single sorti de l’album de Toxic, et nous nous sommes rapprochés comme ça.

Et vous êtes-vous rapprochés d’autres gens, ici en France ?

Oh oui. Nous sortons tout juste d’une tournée de cinq jours avec Beat Torrent. Nous avons fait pas mal de concerts avec SUCCESS. Quoi d’autre ? Toxic Avenger ? dDamage. Ca a été très sympa de se joindre à tous ces gens de culture différente, mais avec la même vocation, les mêmes points de vue. Tout ça a été vraiment cool.

L’album est sorti en France. L’a-t-il été aux US ?

Il est seulement disponible sur iTunes. Alors qu’il est disponible en CD dans presque toute l’Europe.

Je suppose que vous avez déjà reçu pas mal de retours, de critiques ?

Les gens comprennent. Récemment, quelque chose a plus ou moins changé avec la musique. Avant, beaucoup de gens trouvaient que ce qu’on faisait était étrange, ils ne savaient pas quoi en faire. Mais maintenant, vu comment la musique a évolué ces quatre dernières années, ils acceptent plus volontiers. Quand c’est de la bonne musique, c’est juste de la bonne musique.

Compte-tenu du fait que vos sorties passées étaient significativement différentes de ce que vous faites maintenant, quel jugement rétrospectif avez-vous sur elles ?

Je les adore. J’avais toujours pensé que je ne les aimerais plus quand j’y reviendrais, mais en fait, elles me plaisent toujours beaucoup. Ca correspondait parfaitement à l’époque, c'était une part entière de l’underground hip-hop.

Nous ne ferons jamais deux fois le même disque. Youth Is Yours était complètement différent de It's The L!!. Et le nouvel album auquel nous travaillons n’aura rien à voir avec Rapstars, même si on peut voir la progression entre les deux.

Je me souviens d’un débat avec Cobalt, du webzine Hip Hop Core. Il affirmait qu’il entendait le même groupe qu’avant sur Rapstars, alors que je pensais personnellement qu’il y avait eu un changement radical. Nous n’étions pas du tout d’accord.

En effet, sur Youth Is Yours, on chantait déjà des refrains, chaque morceau était consacré aux filles. Il n’y avait aucun rap battle sur Youth Is Yours. Pour quelqu’un qui nous suit depuis le début, l’évolution était prévisible et évidente.

Nous avons maintenant d’autres personnes impliquées dans Lexicon, Erich Schneider à la guitare, Alex Pauley à la basse. Quel est leur parcours ? Comment vous êtes vous rapprochés ?

Alex: on se connaît depuis longtemps, 15 ans peut-être. J’ai fait mes études avec Gid. On s’est rencontrés dans un cours de musique. On a joué ensemble dans des groupes. On a fait des concerts à L.A., avec Gid et Nick, qui était une sorte de batteur, pas très bon (rires). Nous sommes restés en contact toutes ces années, avec l’idée de faire de la musique ensemble, ce qu’on a commencé il y a 4 ans. Rapstars, c’était une sorte de processus à la Frankestein, nous bossions à plusieurs, avec différents musiciens, et on assemblait tout cela en un seul morceau. Et maintenant, nous travaillons ensemble sur un nouveau projet.

Le prochain album ?

Alex: oui, mais ne le dis à personne (rires). On ne doit pas le jouer devant des gens, comme hier soir (rires).

Oh, vous l’avez déjà testé?

Oui, nous l’avons testé. Nous avons joué nos nouveaux titres en concert. On en joue probablement deux à chaque fois. C’est bien de pouvoir vérifier les réactions avant de sortir une chanson.

Avant, nous n’étions pas capables de faire ça. Quand tu fais du hip-hop à base de samples, tu ne peux pas tester tes morceaux, les affiner, travailler dessus. A présent qu’on fonctionne davantage comme un groupe de rock, nous pouvons vraiment tester une chanson avant de la sortir.

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Nous avons parlé de la scène hip-hop indé, mais en ce qui concerne le hip-hop en général, quel est votre état de l’art ? Qu’en est-il du hip-hop en 2010 ?

Il a ses hauts et ses bas. Il y a tout un tas d’artistes hip-hop qui ne sont plus regardés comme des rappeurs, quand ils sont respectés. Comme Kanye West, qu’on l’aime ou pas. Il n’est plus regardé comme on regardait les rappeurs autrefois. Ou comme Jay-Z. Ces gens font des choses très créatives. Mais d’un autre côté, il y a des centaines de rappeurs qui ne font que suivre la tendance, quelle qu’elle soit, et qui sont sans le moindre intérêt.

Ce n’est plus aussi créatif que dans les années 90, mais ceux qui sont bons sont vraiment bons, comme Kanye, comme Drake, comme Jay-Z, et Lil’ Wayne parfois. Comme Ludacris. Ils sont formidables, ils sont grands.

Oui, mais ce ne sont pas vraiment de nouveaux artistes.

Drake est nouveau. Et les autres ne se contentent pas de faire ce qu’ils ont fait par le passé. Le hip-hop est un peu plus créatif qu’il ne l’était il y a six ou sept ans. Il est moins créatif que dans le début des années 90, mais il s’améliore par rapport à il y a cinq, six ou sept ans. Ils ont accepté d’en faire davantage. Jay-Z peut en faire davantage, Kanye peut en faire davantage.

Il y a moins de restriction que par le passé. C’est moins une question de "Keep It Real". Les gens ont maintenant le droit de s’exprimer davantage. C’est cool quand Jay-Z dit qu’il écoute Grizzly Bear. Maintenant, c’est presque branché pour un rappeur de dire qu’il écoute d’autres genres de musiques. Avant, tu n’avais pas le droit d’écouter du rock quand tu étais un fan de rap pur et dur. C’était blasphématoire. Maintenant, c’est plus ouvert.

Une autre question dont vous devez sûrement avoir l’habitude. Nick et Gid, vous êtes frères : cela rend-il les choses plus simples ou plus difficiles ?

Les deux. On peut vraiment se taper sur les nerfs (rires). Mais on peut aussi être plus honnêtes l’un envers l’autre, dire des choses de manière plus directe, sans avoir à se soucier d’heurter ou pas les sentiments de l’autre. La même chose peut arriver avec un très bon ami. Tu n’as pas peur de lui dire que sa ligne de guitare n’est pas très bonne.

Comme tout ce qu’on veut, c’est faire la bonne chanson, c’est important. Si on devait se soucier des sentiments des uns et des autres, ça serait juste une perte de temps. Etre capable de tout dire à quelqu’un, ça aide beaucoup.

Quelque chose à dire sur ce mystérieux nouvel album que vous avez mentionné ? De nouveaux projets ?

Nous avons un side project avec Toxic Avenger et Orelsan. On l’enregistrera sûrement au printemps prochain. Ce sera un EP six titres, ou quelque chose comme ça. Et nous allons tenter de finir notre nouvel album dans les six prochains mois. Nous allons essayer d’y mettre neuf ou onze titres. Pas plus.

C’est une bonne chose. J’ai l’impression que les gens réapprennent à faire des albums courts, ils n’en sont que meilleurs. Par le passé, les gens se sentaient obligés de remplir un CD.

Oui, exactement, et un CD c’était 80 minutes.

Et tout particulièrement dans le hip-hop, les grands albums étaient souvent trop longs.

Oui, tout à fait. En fait, ils l’étaient tous. A part Illmatic. Et le premier Wu-Tang, et le premier Mobb Deep. Mais en ce qui concerne le reste, tous les grands albums de hip-hop n’avaient que neuf grands titres.

Photographies de Roberta Oglakhcya

Merci à Damien de Laitdbac pour avoir organisé cette interview

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