Pour découvrir ce qu'un groupe a de mieux à offrir, il faut parfois remonter aux sources, à l'époque où, encore jeune, il livrait d'un coup d'un seul tout ce qu'il avait en tête, sans rien garder sous la pédale, sans avoir encore à s'autocensurer, à se réinventer ou à se répéter. C'est le cas, par exemple, d'Imaginations Treetrunk, un collectif hip-hop basé à Vancouver et aux limites indécises.

CASTHEADWORK - Natural Patterns

Autoproduit :: 2003 :: acheter ce disque

Il était évident qu'il y avait des qualités chez ces rappeurs, en particulier chez leur beatmaker Aalo Guha. Mais leurs albums, des disques inégaux à force d'être remplis à ras-bord et desservis par des rappeurs pas toujours au top, avaient été, dans l'ensemble, des déceptions. Pour trouver ce qu'il avait sorti de meilleur, il fallait retourner en fait aux origines du collectif, vers 2002, jusqu'à ce Natural Patterns aujourd'hui introuvable en version CD, sorti par un groupe qui s'appelait alors CastHeadWork et composé seulement de l'impeccable Aalo Guha, du rappeur Azrael, et d'un autre MC, dénommé Cle, et disparu depuis de la circulation.

Le titre, la pochette et le nom de certains morceaux ("Acoustic Ecologie", "Stare at the Sun", "Age") laissaient croire qu'on avait affaire à un disque de new age ou de musique de relaxation... Et de fait, il y avait un peu de cela : Natural Patterns était le grand disque dépressif d'Aalo Guha et de ses compères, c'était un album écolo contemplatif, introduit d'emblée par une plage très ambient et composé exclusivement de beats lents et vaporeux, qui s'enchaînaient sans couture, et parfois même sans transition ("Keep on Staring" et "Still Standing" partagent en fait le même instrumental). Et si les MCs ne faisaient pas profil bas, s'ils ne renonçaient pas au plaisir, par exemple, d'un bon ego trip, ils savaient aussi parfois se taire et laisser aux ambiances sonores le temps de faire leur œuvre.

Et curieusement, c'était bien, presque toujours, grâce notamment au piano paisible et à la rappeuse MC Shay sur "Not Your Typical", au long finale jazzy de "Keep on Staring", à la mélodie extrême-orientale d'un "Ages" présent en deux versions, à l'agencement subtil en raps, piano, violoncelle et saxophone éthéré de "Hassles Stressin'". Le sommet de l'album, toutefois, c'était incontestablement la boucle électronique sale, concise et imperturbable de "Deeper". Ce titre c'était la preuve ultime, la meilleure démonstration, en dehors des albums souvent trop brouillons d'Imaginations Treetrunk, du talent véritable d'Aalo Guha.

PS : merci à Pseud Etienne, grand pourvoyeur de trésors cachés. S'il ne m'avait fait découvrir ce disque oublié, j'aurais fait une croix définitive sur Aalo Guha et les siens.