Des années à chercher la petite perle hip-hop dans tous les pays imaginables, à fureter aussi loin qu’en Russie, au Japon, au Canada ou en Australie, à chasser au bout du monde la curiosité. Et pas toujours avec succès. Tout ça pour découvrir qu’à deux pas de chez moi, dans cette bonne ville de Caen où je passe la moitié de mon temps, il existe un artiste à deux doigts de répondre à mes attentes. Cet artiste, c’est Laurent Feuillet, ancien étudiant en arts du spectacle, graphiste, co-responsable de Purée Noire (un label lancé dans le sillage du fanzine du même nom), beatmaker sous le pseudonyme de Liléa Narrative et auteur à ce titre d’un deuxième album, Nouvelle Chair, fait d’instrumentaux hip-hop tout à fait dans nos cordes.

LILEA NARRATIVE - Nouvelle chair

La formule Liléa Narrative n’est pas neuve. Elle consiste à habiller telle ou telle mélodie accrocheuse avec des scratches, des vocaux raps samplés chez les grands anciens et d’autres attributs hip-hop. Il s’agit de livrer quelques passages explosifs au milieu de titres plus mélancoliques, de chasser la monotonie par des ruptures bien senties ("La Femme au Lait Noir") et de donner à tout cela une ambiance cinématographique à grands coups de nappes et de violons. Les influences de ce producteur nourri au trip hop, à Warp, à Ninja Tune et aux artistes de la vague rap indé popularisés par ces labels anglais sont faciles à retracer. Mais Laurent Feuillet digère et restitue cela avec talent sur une collection de titres accrocheurs.

Qui plus est, Liléa Narrative passe bien l’épreuve des invités. Il y en a trois sur Nouvelle Chair, trois rappeurs qui, en plus d’être bien servis par les sons, apportent du sel au disque quand les instrumentaux commencent à lasser. Le premier de ces invités est ce bon vieux Tes sur "Buffalos Stance", et la musique sur laquelle il pose ses raps et son beatboxing lui va beaucoup mieux, au hasard, que celle des Neurologists. Le second est Mutha, dont la prestation sur "I.C.A." est efficace et offensive. Le troisième, lui, n’est pas un vrai rappeur, et cette imitation assumée de Dose One avec laquelle Liléa Narrative lui-même accompagne "Machoire Cut" est d’un charmant amateurisme. Mais sur le piano de ce diss track qui explose à la fin, le folkeux Cow Boy fait preuve d’attitude. Après sa prestation, l’album peut s’achever tranquillement. L’essentiel est assuré, Liléa Narrative a prouvé qu’il fait bon rester à Caen, ces temps-ci.

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