Hue Records, c’est d’ores et déjà un des labels qui comptent dans l'underground hip-hop, en 2006. Ces derniers mois au Japon, à l’autre bout du monde, des gens se sont bougés pour mettre sur le marché leur sélection idéale de rap indé, une sélection quasiment irréprochable. Aussi, afin d'en savoir un peu plus sur ces gens venus du bout du monde, avons-nous demandé au responsable du label de nous raconter son histoire et de nous faire part de ses projets.

SHIN OHSAKI

Vu de France, Hue Records n’est qu’un petit label japonais inconnu. Mais il s’est distingué dernièrement avec une série de sorties irréprochables. Tu peux nous en dire un peu plus sur qui se cache derrière Hue ?

Le responsable de Hue, c’est moi, Shin Ohsaki. Hue a été créé en mars 2005 et c’est un des labels d’Inpartmaint Inc. Nous avons aussi Plop, qui distribue de la musique électronique et expérimentale. J’ai commencé à bosser pour eux en juin 2004. C’est à cette époque que nous avons commencé à distribuer de l’indie rap. Je voulais un démarrer un label capable de sortir un style de musique méconnu, c’est ce qui a motivé la création de Hue.

Tu as sorti principalement des disques et des rééditions d’artistes belges et canadiens. Comment t’es-tu lié à tous ces gens si loin de chez toi ?

C’est grâce à l’essor d’Internet. Ça facilite la découverte de nouvelles musiques, ça permet aux artistes de se faire connaître à l’autre bout du monde et de collaborer avec d’autres. Et puis quand tu regardes de près, tu vois que tous les artistes que nous avons sortis se connaissent entre eux.

Comment as-tu collaboré avec eux ? Par emails, courrier et téléphone ? En as-tu rencontré en personne ?

Nous avons travaillé par email. Le Japon est tellement isolé, géographiquement parlant, qu’il est difficile de se rencontrer. Mais j’espère bien les rencontrer physiquement au Japon ou dans leur propre pays un de ces jours. Ce serait avec plaisir.

J’ai interviewé Siaz de Cavemen Speak et Zucchini Drive il y a environ 6 mois. Il m’a confié avoir été très impressionné par le soin que tu mets dans le packaging, en traduisant toutes les paroles en japonais, par exemple. Tous ces efforts, tout ce soin, c’est un passage obligé chez Hue ?

Il n’y a pas beaucoup de Japonais qui parlent anglais, mais tous veulent savoir ce que le chanteur leur raconte. Alors des fois, on fait l’effort. Ce n’est pas un passage obligé, mais c’est sympa quand on arrive à traduire les paroles ou à mettre un peu de contenu à l’intérieur de la pochette. Je suis le seul à m’y coller et ça n’est pas toujours simple…

Tu as été très sélectif dans le choix des albums. Même chose pour les titres qui figurent sur la compilation Hue and Laugh and Cry. Et j’ai trouvé tes choix très bons. Comment as-tu opéré cette sélection ?

Merci ! En fait, je n’ai fait que sortir ce que j’aimais. On me laisse libre de faire ce que je veux. C’est précisément pour ça que je travaille pour Hue. Je crois que j’aurais dû mal à bosser pour une autre boîte. Hue, c’est le seul label à sortir cette sorte d’indie rap au Japon ! Avec Hue and Laugh and Cry, mon but était de sortir une sorte de guide de la scène indie rap, et j’en suis très satisfait. Je n’ai fait que leur proposer de me passer des titres pour cette compilation et ils ont tous accepté de bon cœur. On a mis du temps à la finaliser, mais nous en sommes contents, nous avons eu de bons retours.

As-tu prévu de rendre tes disques disponibles ailleurs qu’au Japon ? Est-ce quelque chose que tu aimerais essayer ?

Bien sûr, nous avons étudié la possibilité de sortir nos disques à l’international, mais c’est très difficile pour les distributeurs d’accepter de travailler avec de nouveaux labels. Nous les comprenons très bien, parce que nous sommes nous-mêmes dans leur situation, en tant que distributeurs. Nous aimerions tout de même progresser pas à pas.

Comme tu l'as dit, Hue est une sorte de petit frère pour Plop, un label spécialisé dans la musique électronique. Tu peux nous en dire plus sur ce label et sur ses artistes ?

En fait, Plop n’est plus vraiment dans notre orbite. La personne qui s’en chargeait est partie et travaille maintenant en freelance. Pour être précis, nous ne sommes pas tout à fait des labels frères… mais un peu quand même, ha ha. Il y a eu une scission entre Plop Distribution et Plop Label, et les gens s’y perdent un peu. Plop est un excellent label, l’un des meilleurs au Japon. Et il bénéficie d’une reconnaissance mondiale. Mais ça, tu dois déjà le savoir, vu que Gel:, un Français, est impliqué dans l’histoire.

Comment un Japonais comme toi a-t-il découvert le hip-hop en général, et l’indie rap en particulier ?

J’ai tendance à penser que les fans de hip-hop n’écoutent jamais d’indie rap comme celui que l’on sort. Ils nous disent parfois qu’ils ne nous aiment pas. Il y a une différence entre les amateurs de hip-hop et ceux qui écoutent les sorties Hue.

A part ceux du catalogue Hue, quels sont tes artistes hip-hop favoris ?

Récemment, j’ai apprécie Astronautalis et Otem Rellik.

Vu d’Europe, nous avons toujours le sentiment que des tas d’artistes inconnus dans leur pays sont des stars au Japon. Tu peux confirmer ? C’est quoi le public au Japon pour des gens comme Cavemen Speak, Factor, soso et les Chicharones ?

Oui, c’est presque vrai. Il y a beaucoup de gens au Japon qui aiment découvrir de nouvelles musiques. A Tokyo, on retrouve concentré des tas de disques venus des quatre coins du monde. Les ventes de CDs ont tendance à baisser, mais les Japonais restent amateurs de musique underground. Le marché japonais est important pour beaucoup de labels indés. C'en est presque étrange si ce genre de hip hop n’a vendu que 1000 ou 1500 exemplaires tout au plus au Japon !

Qu’en est-il des rappeurs japonais ? Josh Martinez et soso ont-ils des homologues au Japon ?

Il y a de bons rappeurs au Japon, mais ils ne percent pas à l’étranger à cause de la langue. Les raps en japonais sonneront très bizarre pour toi, même si tu peux en apprécier quelques-uns.

Qu’en est-il de la scène hip-hop japonaise, mis à part le rap indé ?

Je ne sais pas trop le dire… Il y a tout de même quelques artistes pour ce genre de rap au Japon. Il y a beaucoup de styles variés et des rappeurs qui tournent sur ce circuit indé, et au fur et à mesure, les fans deviennent exigeants. Les choses bougent même beaucoup trop vite, en particulier au Japon. Ça en devient dur de faire vivre un label sur plusieurs années.

Les artistes hip-hop japonais que je connais sont DJ Krush, DJ Honda, Shing02, Boss et ONO de Tha Blue Herb, KK the Khaosist et Arata des Living Legends. Tu penses quoi de tous ces gens ? Ce sont des artistes que tu apprécies ?

Ce sont de bons artistes. Shing02 et Tha Blue Herb ont été les premiers trucs de rap japonais que j’ai découverts, quand j’étais au lycée, en 1999. Ça a été un choc pour moi.

Tu as l’intention de sortir des disques d’artistes japonais un de ces jours ?

Je ne peux pas te donner tous les détails, mais nous envisageons de sortir l’album d’un Japonais l’année prochaine.

C’est quoi les futures sorties Hue ? Tu peux nous en dire plus sur tes ambitions ?

Notre prochaine sortie sera une sorte de best-of de Factor de Side Road Records. Ça sortira en novembre. C’est un excellent producteur, il a fait de très bons morceaux. Nous nous sommes dit que nous pouvions obtenir un album fantastique en compilant certains de ses meilleurs titres.

Tu as un dernier message pour clore l’interview ?

Merci d’avoir pris le temps de lire. Gardez une place pour Hue dans votre tête et jetez un œil de temps à autres à www.inpartmaint.com/hue. Plein de bonnes choses pour la suite.