Il commence bien cet album, avec ce morceau d’Ennio Morricone et de Peter Tevis issu de Pour une Poignée de Dollars, que le producteur a alourdi pour l’occasion, puis avec ce "Monster Mashout" qui associe idéalement le rap exalté de Bleubird et un beat effroyablement sombre signé Scott Da Ros. D’emblée, avec ces deux titres, le patron du label Endemik Music nous signifie deux choses : un, qu’on ne va pas beaucoup rigoler sur cet album dans la droite lignée du rap le plus glauque de cette bonne vieille scène d’Halifax ; deux, qu’il n’a pas pris l’affaire à la légère, qu’après deux maxis, quelques productions pour le Sloppy Doctor de Bleubird et un remix de Sixtoo, cette première sortie long format est portée par une certaine ambition.

SCOTT DA ROS - One Kind of Dead End

Sur le tout premier point, nous sommes servis. Jamais Scott Da Ros ne s’échappe des ténèbres. Il y plonge instantanément tout son disque pour ne plus jamais l’en sortir. L’atmosphère est pesante, le rythme lent et insistant, les samples inquiétants, les compositions souvent absconses et remplies d’électronique qui fait peur. C’est un long dédale où tout espoir de s’échapper est vain, où ne se rencontrent que des rappeurs en perdition, menaçants, pessimistes et désabusés, du genre à s’exprimer avec une voix tabagique de mort-vivant ("This Great Evil"), à rapper en japonais (Yskee sur "Infinite Labyrinth") ou à sortir des aphorismes façon "we know who we are, we just don’t believe in it", comme Dave Pal sur "Art of Rejection".

Cette noirceur va de pair avec l’autre attribut du disque : son ambition. One Kind of Dead End est rempli de tentatives audacieuses, comme cet inquiétant titre de blues rap nommé "1912 ‘til Infinity" en clin d’œil aux Souls of Mischief et interprété par le couple JD Walker et Sontiago, de la scène rap du Maine. Ou encore comme "Silence + Circles", ce très long titre conclusif où Tweetch !zown, Bleubird et K the I??? se succèdent au micro sur une série de mouvements plus opaques encore que tout ce qui a précédé, où traînent ici et là des bouts de musique contemporaine et où plane l’ombre tutélaire d’un Can dans ses moments les plus radicaux.

C’est ambitieux, donc. Mais l’ambition, c’est dangereux, c’est risqué. Et il n’est pas sûr que le producteur atteigne ses objectifs sur One Kind of Dead End. Au bout du compte, les titres les plus marquants sont ceux déjà sortis sur maxi, comme le "Monster Mashout" précité ou comme cet "Ocean Splits in Half" rappé par Apt et K the I???. Le reste est n'impressionne pas. Surtout, il se départit peu des phases les plus expérimentales traversées par le rap indé, par Anticon à ses débuts (il fallait bien finir par le lâcher, le nom du label de Sole, d’ailleurs présent ici). Ce disque est davantage une fin et un cul-de-sac qu’un renouvellement. C'est d'ailleurs peut-être pour ça, consciemment ou non, que Scott Da Ross lui a donné un titre pareil.

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