Natif de Clifton, New Jersey, Joe Rath a paraît-il enregistré une dizaine d’albums. La plupart, cependant, sont sortis de manière artisanale, si l’on excepte son He Meant Well, sorti en 2002 chez Motion Recordings, et passé totalement inaperçu. Ce n’est donc qu’avec Overwhelmed, un EP proposé en 2003 par Beyond Space Entertainment, que le rappeur s'est fait (un tout petit peu) connaître. Les six chansons de ce disque étaient inégales, mais l’entraînant "Marilyn’s Diary" et la beauté sombre de "Parliament Lights", une histoire de copine suicidaire, avaient un bon potentiel. Potentiel confirmé dès l'année suivante avec le très solide Don’t Be a Martyr.

JOE RATH - Don't Be a Martyr

La musique que Joe Rath proposait n'avait pas grand chose à voir avec le boom bap caractéristique de la ville voisine de New-York. Elle était, au contraire, un aboutissement pour le folk rap de Blanc, pour le emceeing sensible sur fond de guitare, pour le songwriting à la sauce hip-hop. C'était d'ailleurs Poor Richard, le plus orienté pop / rock des collaborateurs du rappeur, qui en produisait l’intégralité. Et cette unité de production s'avérait une bonne idée, comme celle de proposer d’entrée un "The Bads Outweigh the Goods" servi à la perfection par une guitare, quelques cloches et une boucle de piano, le titre le plus accrocheur du disque.

Le plus accrocheur, oui, mais pas le plus marquant. "Black Prince Distillery", "Caught with Mina Loy", "Especially an Oath" et "Morning Gutter Birds" étaient d'autres merveilles, avec leurs récits d’amours tragiques et sans issue, leurs splendides histoires de trahison, d’abandon et de vies ratées. Ils étaient de purs bijoux noirs faits d'une philosophie misanthropique ("it's the cruelty that makes the man, and of course, it's not soothing to shake a hand, there's sweat and there's residue, uneasiness that presses you" sur "Morning Gutter Birds") et de pessimisme fondamental. Avec toujours, pour souligner le propos, une guitare acoustique ou discrètement électrique, et quelques arguments complémentaires, orgue, piano ou sons synthétiques.

Mais comme l’indiquait le titre, une phrase que la mère du rappeur aimait à lui répéter, le disque n'était pas fait que de défaitisme. Joe Rath redressait parfois la tête, il invitait à l’action sur les deux derniers titres, "Lost Appeal" et "And I’m Spent", précisément les moments les plus forts de l'album, tant par les paroles que par la richesse de l’accompagnement musical. Ce n'était plus ce mariage mal arrangé entre raps et pop / rock qui posait problème sur Overwhelmed. Il n’y avait plus les innombrables maladresses qui résultent souvent de ce mélange des genres. Sur Don’t Be a Martyr, il n’y avait plus que la forme la plus achevée de ce genre à part entière qu'est devenu, dans les années 2000, le hip-hop intimiste à guitare.

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