Floride toujours, vu que de nombreuses choses rap tout à fait dans nos cordes semblent régulièrement nous venir de là-bas, ces derniers temps. Cap vers les gens de Nonsense Recordings, derniers Floridiens en date à mériter quelques lignes sur ces pages. Fondé en 2004 à Orlando sous le parrainage des Sol.illaquists of Sound, eux-mêmes proches de Sage Francis, le label propose quelques bonnes choses, parmi lesquelles cette rappeuse, Holly Riggs.

HOLLY RIGGS - Familiar Circumstance

Pourtant, à première vue, elle ne paie pas de mine notre rouquine à lunettes. Une écoute distraite de sa rap poetry à mi-chemin entre Ursula Rucker et Ladybug de Digable Planets la cataloguera d’emblée "hip-hop conscient", ce genre lourdingue et usé jusqu’à la corde. Sur son premier album, la rappeuse débite en effet toute un prêchi-prêcha sur la condition féminine, la religion, la société, le racisme, le sens de la vie, et elle nous enjoint à être nous-mêmes et à oser vivre nos rêves, tout comme elle, artiste multicarte qui, en plus de rapper et de réciter des poèmes, exerce en parallèle des activités d’actrice, de graphiste et de conceptrice de bijoux.

Cependant, tout cela est plutôt frais. Parce que toutes les paroles de Familiar Circumstance sont dites avec allant, parce qu’Holly Riggs joue avec adresse de toutes les nuances entre le rap, le chant et la conversation, qu’elle les déclame avec cette éloquence qu’elle a apprise sur les scènes des théâtres. Et parce que sa musique, produite presque entièrement par Swamburger, se montre variée et surprenante. Qu’elle est évolutive, remplie de ruptures et de rythmes distincts, sans chausser pour autant les gros sabots de l’expérimentation. Qu’elle est bourrée de détails toujours à propos, ici des passages rétro, là de discrets effets électroniques ("Stickered Clipboard", "Writing in the Dark" ou, de façon très convaincante, "Hocho!").

Quelquefois, c’est une petite musique insistante qui vient relever un morceau qui s’annonçait insignifiant ("Junjoy"). Ou bien c’est un air de mandoline et un chant entonné façon chœur des années 40 qui laisse soudainement place à une très légère montée de synthé (l’admirable "The Ideal Woman"). Certes, les deux derniers morceaux cités sont les meilleurs, le reste n’est pas toujours aussi accompli. Mais sur ce premier album, et en dépit de cette fraîche naïveté qui à coup sûr en rebutera certains, Holly Riggs démontre qu’elle a l’essentiel : de la personnalité.

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