La carrière de Qwel est déjà bien remplie. Toutefois, ça n’est que l’an passé que le rappeur de Chicago a livré son meilleur album, sa pièce maîtresse, un The Harvest produit de main de maître par Maker. Interviewé par nos soins il y a quelques mois, ce dernier avait précisé cependant que cet album serait sûrement sans suite et que Qwel avait le talent nécessaire pour s’essayer aux sons d’autres beatmakers pour ses prochains disques. C’est donc un certain Jackson Jones qui est aux manettes de cette nouvelle sortie, un homme dont nous ne savons pas grand-chose, si ce n’est que Qwel et lui ont tourné ensemble il y a environ 18 mois, et qu’ils ont enregistré pour l’occasion un tour CD, Rapid Eye Movements, en prémice à ce Dark Day.

QWEL & JACKSON JONES - Dark Day

Le titre de ce nouvel album est sans ambiguïté. Manifestement, les temps sont sombres et il faut s’en alarmer. Et ça, Qwel sait très bien faire avec son rap qui court à cent à l’heure comme s’il avait le feu aux fesses. Il est parfaitement capable d’entamer un titre ("Blood from Stone" en l’occurrence) en proclamant d’une voix de veuve éplorée que le monde va bientôt s’écrouler. Et pour en rajouter dans l’angoisse, il peut aussi dédoubler sa voix ("1212"). En bon serviteur, Jackson Jones s’emploie de son côté à alourdir encore l’ambiance. Et il n’y va pas de main morte. Sur "The Ladder Builder", il ouvre l’album avec le bruit du tonnerre, des beats d’une lenteur pesante, des percussions lourdes et une mélodie très familière (un Kinder à celui qui m’en rappelle la provenance) jouée au piano. Et la suite de l’album est sur le même ton.

Malgré quelques trouvailles bien senties, par exemple la flûte de "Dark Days (Plague of Nation)", ou celle, orientale, de "A Beautiful Thing", le beatmaker donne dans le convenu : grosses basses, guitare squelettique, instrumentation de film à suspense, violons qui foutent les boules, effets électroniques façon trip hop ("Brainstorm"). Pourtant, parfois ça marche. Ça le fait quand le trait est forcé, quand le ton gothique de ce rap est à son paroxysme. Ça fonctionne surtout et mieux que jamais sur "Fallout", une plage délicieusement interminable où Qwel décrit à la file des scènes d’Apocalypse, accompagné par Robust et Mestizo, avec en arrière-plan une divagation musicale on ne peut plus appropriée. Après lui, "The Glass House Effect" aussi est digne d’intérêt, de même que "Vincent Van Gogh Coke AD" et son adroit contraste entre l’urgence du flow et le détachement de l’instru. Au final, Dark Day vaut autant le détour que les autres Qwel. Et si un sentiment de déception perdure, c'est tout simplement que ce nouvel album pouvait difficilement soutenir la comparaison avec le grand The Harvest.

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