On se demande vraiment où il trouve le temps. Depuis ses premiers enregistrements en 1994, en effet, Mcenroe n’a pas chômé. En plus de ses propres sorties, de celles de Park-Like Setting (le trio qu’il forme avec John Smith et DJ Hunnicut), de la dizaine de disques qu’il a produits en entier ou presque et de ses multiples featurings en tant que rappeur, le Canadien anime presque seul l’un des labels hip-hop indépendants les plus constants qui soient, l’excellent Peanuts & Corn, sans compter d’autres sorties dont il gère la distribution, ou encore ses activités de publiciste et de graphiste.

MCENROE - Disenfranchised

Avec un tel emploi du temps, avec toutes les merveilles déjà produites et sorties par ses soins, on aurait raisonnablement pu penser que Mcenroe avait épuisé l’essentiel de ses ressources. Cela aurait été logique et compréhensible. Mais à l’écoute de Disenfranchised, une autre certitude s’impose : le Canadien n’avait pas encore tiré ses meilleures flèches. Au contraire, il les avait toutes soigneusement conservées pour son premier album solo, sorti seulement cette année.

Car Disenfranchised est l’aboutissement du style déployé par Mcenroe sur ses sorties précédentes : une sorte de rap new-yorkais qui aurait retrouvé son lustre perdu au contact du Canadien, un hip-hop classique mais personnel où il livre des observations justes et nuancées sur le train des choses, illustrées par des scènes de vie et nourries par sa biographie.

N’importe quel morceau pris au hasard suffit à démontrer l’excellence de l’album. Ce magnifique "Sleepwalking" par exemple, où sur fond de basse et de tintements, l’artiste évoque en chantonnant les affres d’une vie banale et anonyme. Cet accrocheur "Let’s the Pawn The Bracelet", introduit et clos par un brin de deejaying. Ce "Working In The Factory" où le rappeur interroge le mythe du "c’était mieux avant". Ou encore ce "Wandering Eye" à l’occasion duquel Mcenroe nous décrit son parcours musical, celui classique mais émouvant du petit blanc nord-américain qui a bénéficié des passerelles naturelles entre rock alternatif et hip-hop.

L’énumération et le commentaire des titres pourraient se poursuivre jusqu’à plus soif, car le disque s’y prête. Il est l’un de ces albums, rarissimes et inespérés dans le rap, qui restent solides d’un bout un l’autre. Il est même davantage encore. Disenfranchised est tout bonnement fabuleux.

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