Signés sur Galapagos4, le très prometteur label de Chicago, les Typical Cats ont démontré sur leur premier album une grande maîtrise de l'art du emceeing et de la battle. En attendant leurs projets solo respectif et un prochain album, l'intégralité du groupe a accepté de répondre à nos questions.

Apparemment, les Typical Cats sont le nouveau projet de personnes qui ont déjà connu une longue carrière hip hop à Chicago. Quelle est l'histoire de chacun d'entre vous ?

Denizen Kane : mon histoire ? Eh bien, j'ai commencé à écrire des petites rimes de merde quand j'étais à l'école. Je venais juste de découvrir Raising Hell de Run DMC. Ensuite, 1988-89 ont été des années décisives. J'ai acheté 3 Feet High & Rising, By Any Means Necessary. J'étais un peu reclus jusqu'à mes 17 ans. C'est à cette époque que j'ai commencé à me rendre à des open mics de poésie, et que j'ai rencontré des types qui faisaient eux aussi de la poésie. Plus tard, j'ai rencontré toute l'équipe des Typical Cats, et le reste de l'histoire est encore à faire.

Qwazaar : mon histoire commence aux alentours de 88 ou de 89, quand NWA et DOC sont appparus. Je freestylais depuis un moment déjà, mais je n'étais pas encore à fond dedans avant NWA, Cube et DOC. A cette époque, c'est devenu plus sérieux et j'ai commencé à écrire après avoir écouté l'album de Black Sheep. Flavor of the Month, l'un de mes préférés de tous temps. J'apprécie les rythmes comme ça. J'ai pourquivi au lycée. Je suis allé à Dunbaar dans la banlieue sud de Chicago et j'y ai rencontré tout un tas de gens, commme No Pity Committee et Chirock. C'est à cette époque que j'ai rencontré les membres de Outer Limits, Lord Maniacal et Hellsent. On avait toujours en tête l'idée de travailler sur un projet, et après l'école nous avons sorti un album qui a été bien reçu et est passé plein de fois sur WHPK. Alors même que j'assurais la promo de l'album de Outer Limits, j'ai rencontré Dan et DJ Natural à un show.

Qwel : je rappe depuis environ 3 ans, depuis mes 19 ans. J'ai découvert le rap au bon moment de ma vie, avec les meilleurs personnes possibles pour m'aider à évoluer, voilà où nous en sommes. J'avais l'ahabitude d'aller à Navy Pier où tous rappaient. J'ai rencontré Pugslee et moi et Pugs avons commencé. J'ai enregistré un titre avec lui et Prime, cela a étendu nos horizons. Pugz est la première personne a m'avoir emmené à HPK.

Dan : DJ Nat et moi sommes de New York. Je crois qu'il a commencé le Djing en 1993, et comme notre production sur l'album l'indique, ça a été une période très formatrice. Nous nous sommes instaallés à Chicago en 1996 et avons commencé à accueillir le Wednesday Night Rap Show sur WHPK, qui est devenu un point de rencontre sur Chicago.

Denizen Kane s'appelait Dennis Kim au sein de I Was Born w/ Two Tongues. Pourquoi a-t-il changé de nom ?

Denizen : je dirais que la construction de soi et de son identité est un processus toujours en cours, et nous chosissons nos noms pour nous donner une signification.

Pourquoi "typical" ? Vous vous considérez vraiment typiques ?

Qwel : rabaisser notre fierté aide nos paroles à avoir plus d'âme. Tout ça n'est que du langage, après tout. Mon interprétation du terme "typical" est juste : je n'ai rien d'exceptionnel, c'est juste tous les autres qui sont mauvais.

Qwazaar : en ce qui me concerne, je suis quelqu'un de typique, qui fait des choses typiques. Je suis ma nature, mes instincts. Je pense que ça nous convient, que ca va bien à chacun d'entre nous.

Les Typical Cats sont-ils un projet secondaire ou pouvons-nous attendre d'autres albums ?

Qwel : l'album The Pawnshop est mon projet annexe. Les Typical Cats me demandent tant d'énergie, pour ne pas sombrer dans tous ces flows, que j'ai besoin de faire quelque chose d'autre pour souffler. Les Typical Caats sont tout sauf un projet secondaire. Mon album solo est sorti, If It Ain't Been in a Pawnshop, Then It Can't Play the Blues. Je dois avoir un nouveau maxi en route et nous démarrons tout juste le prochain album des Typical Cats.

Qwazaar : en fait, c'est loin d'être un projet secondaire. Ca n'est qu'un début. Nous avons commencé à travailler sur un second album et nous planifions d'en faire bien plus dans le futur. En même temps, tout le monde entreprend des projets solo, je sais que c'est le cas de Qwel et de Denn. Mon propre solo est sorti sur un label du nom de Frontline Entertainment. Ils travaillent avec des gens comme Juice, Slug, O-type Star et One Man Army.

A part Common, la scène chicagoane est surtout connue par le biais de All Natural et de leur Family Tree, par Rubberoom, par The Molemen et par Juice. Je sais que Qwel a participé à Ritual of the Molemen. Vous avez des connections avec tous ces gens ?

Qwazaar : ce sont des gens cool, ils représentent vraiment bien Chicago, mais personne n'est vraiment affilié à eux, nous nous aidons juste les uns les autres. Juice apparaît sur mon album solo.

Qwel : cette scène n'est pas vraiment liée à un lieu précis. Les types qui aiment les battles en rencontreront d'autres, ceux qui sont plutôt dans les trucs conscients se retrouverons au même endroit. Mais oui, quand nous rencontrons ces types, nous sommes meilleurs que n'importe qui.

Denizen : si on reprend les groupes que tu as mentionné, je ne connais pas tant que ça les Molemen. Les Family Tree sont vraiment des gens cools. Capital D et Marcel. Et c'est tout.

La scène de Chicago m'a toujours surpris par sa capacité à être à la fois très traditionnelle et très novatrice. C'est une définition que l'on peut appliquer aussi à votre album. Le niez-vous ?

Denizen : tu as très bien analysé, c'est comme ça que nous opérons. Nous croyons en l'évolution, pas en la mutation. J'adore les typpes qui essaient de tout changer, mais j'ai l'impression que quelque chose au coeur du boom bap est essentiel. Alors nous évoluons en gardant un pied dedans, alors que l'autre est au stade d'après.

DJ Natural : c'est quelque chose que nous nous efforçons de faire. A mesure que nous progressions dans la conception de l'album, c'est devenu le son de notre musique et nous nous sentions bien avec lui. Dan et moi nous connaissons depuis longtemps et quelque fois le feeling des vieux trucs nous manque. Mais en tant que groupe, nous nous sentons aussi capable de repousser les frontières et d'explorer ce que la musique était capable de faire. En fait, nous nous sommes efforcés de rétablir la possibilité de faire de la musique rap progressive qui puisse aussi être efficace et fonctionner selon les traditions du hip hop classique.

Galapagos4 est l'un des labels hip hop les plus prometteurs apparus ces derniers mois. Quel est votre propre rôle en son sein ?

Qwel : ils savent ce dont je suis capable, et j'apprécie nos relations de travail.

Denizen : ce sont juste quelques potes de Chicago qui essaient de faire connaître la musique qu'ils apprécient. Offwhyte et moi sommes devenus proches et c'est comme ça que j'ai rencontré toute la famille G4. Nous nous sommes réunis, avons parlé de choses et d'autres, ils ont dit qu'on aimerait faire notre disque, Qwa s'est endormi et le rest de l'histoire est en cours.

L'heure est venue pour mes questions standard : qu'y a-t-il sur votre playlist en ce moment même ? Hip hop ou pas ?

Dan : j'ai beaucoup écouté le nouveau Bob Dylan. J'ai aussi récupéré les nouveaux albums de Aesop et de L-Fudge et j'ai apprécié les deux. Mais si tu me me demandes ce qu'il y a dans mon walkman en ce moment même, c'est le T.I.M.E. des Leaders of the New School et j'avais les Juggaknots dans mon sac, jusqu'à ce qu'il soit remplacé par Qwel et Qwazaar.

Denizen : le Gravity des Bush Babees. J'ai écouté Resurrection de Common Sense hier soir. Le Burnt to Shine de Ben Harper. C'est dingue comme il est sous-estimé. Les nouveaux de Qwel et Qwa bien sûr. Je pense aussi que l'album de Jay-Z assure.

Qwazaar : j'ai Lauryn Hill, j'ai beaucoup écouté Black Sheep ces derniers temps. J'aime beaucoup le Beenie Siegel. Je suis plutôt ouvert, tu peux me surprendre à écouter des tas de choses.

DJ Natural : j'ai principalement écouté des tas de vieux disques, à la recherche de samples. J'ai adoré les albums solo de Qwel et de Qwa.

Que connaissez-vous de hip hop français ?

DJ Natural : pas assez de choses, mais je me souviens avoir écouté Solaar. Je ne connais donc pas grand chose, mais j'ai toujours été intéressé par la bonne musique et je sais qu'il se passe plein de choses en France. J'ai vu pas mal de bon DJ's français. Le film La Haine nous a vraiment intéressé. Aide-nous à en connaître davantage…

Denizen : alors là, permets-moi de m'excuser tout de suite. Nous connaissons tous MC Solaar. La BO de La Haine. Je connais un groupe du nom de Nique Ta Mère, j'ai su qu'ils avaient été censurés ou un truc comme ça. Le hip hop est mondial mais on sous-estime trop souvent les autres scènes. C'est génial que des types comme vous nous ont découverts, c'est sympa. J'essaierai d'en savoir plus sur le hip hop français.

Qwel : je connais The Family. La France a du très bon graff aussi. Je sais qu'ils ont du boulot à faire pour rester ici. Il y a des trucs mauvais aussi. J'ai vu cet enculé qui a fait exploser une superbe fontaine de 6 mètres. J'ai envie de lui pêter le bras rien que pour être aussi con. Je parie qu'il avait 16 ans. Quoi qu'il en soit…

Qwazaar : le hip hop français, non je le connais mal. J'aime juste ce que j'entends. Je ne connais pas trop le hip hop de Chicago, le hip hop de New York, ou n'importe quel autre hip hop catégorisé sous une nom ou une origine. J'écoute juste ce que j'apprécie et je ne prête attention qu'à la qualité.

Vous aimeriez jouer en France ? Vous pensez que ce sera possible à court ou moyen terme ?

Qwel : oh, voyons. Evidemment, j'aimerais me rendre là-bas. S'il te plaît, ne demande pas, propose-le nous. Là, maintenant, paie moi le voyage. Je nagerais, j'irai en canoé, par n'importe quel autre moyen.

DJ Natural : oui, énormément. Nous sommes très content du train où vont les choses, et tu peux être certain que nous parcourerons 5000 kilomètres pour nous rendre à n'importe lequel de nos shows.

La plupart des français ne comprennent pas les paroles en anglais. Ca vous embête en tant que MC's ?

Qwazaar : non, je ne crois pas. Les mots sont le moyen le plus sûr pour transmettre des émotions. Alors si les gens sont capables d'écouter le ton et de ressentir les émotions, je sais qu'ils apprécieront. La bonne musique a des vertus universelles.

Qwel : nan mec. Regarde juste tout ce que je fais, tout n'est que rythme et sonorités. Je suis là pour partager des frissons avec toi. Je sais que le meilleur moyen de contenter ta tête est de la faire exploser, je suis certain qu'on pense la même chose là-bas. Si tu ressens ce qu'on fait, je m'en contente. Sans vouloir paraître faire de l'esprit, je dirais que les gens qui n'aiment pas la musique sont pour la plupart des gens que je ne fréquenterai jamais. C'est toute mon âme, et si tu ne la ressens pas, tu ne te plairas jamais avec moi. Que l'on discute, que l'on roule un joint, que l'on joue au jeux vidéo, c'est moi. Mais ça montre que ton écoute correspond à ce que je m'efforce de faire. La vie a du rythme, c'est ça la poésie. Ralentis le beat en fonction de ce que tu ressens, quand la vie ralentis, et mets toi en rapport avec les gens.

Des fois les gens se perdent dans ce qu'ils disent.

Denizen : non, je ne pense pas que ce soit obligatoirement une mauvaise chose. Je pense que le hip hop et le mcing a tellement à voir avec le flow et la présente que c'est toujours une expérience d'écouter que ce soit ou non dans ta langue maternelle. J'apprécie des MC's japonais, même si je ne comprends pas trop ce qu'ils racontent. Je pense qu'il y a quelque chose dans l'âme de la musique qui est extralinguistique, qui dépasse les langues.

Un message pour finir cet interview ?

Qwel : j'espère que tu vas apprécier mon nouveau truc et celui de Qwa. Je suis content qu'on ait apprécié notre premier truc, mais nous avvons tous évolué depuis, donc la musique va suivre.

DJ Natural : peace à Hip Hop Section, à Wax Express et à quiconque en France a écouté les Typical Cats. Nous sommes vraiment heureux que des gens nous aient appréciés chez vous.

Qwazaar : merci pour tout ce soutien que nous n'attendions pas. Avec de la chance, nous viendrons chez vous et vous montreront exactement ce que chacun d'entre vous apprécie.