Contrairement aux apparences, la partie "alternatives" de ce webzine n'est pas tout entière consacrée au label mancunien Grand Central. Mais il faut avouer que ses sorties, issues du pan des musiques électroniques le plus proche du hip hop, s'y prêtent à merveille. Cold Water Music, sorti depuis deux ans déjà, est de celles-là.

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Le parcours du dit AIM (Andy Turner de son vrai nom) colle parfaitement à sa musique : fan de pop comme les autres, le jeune homme vire house au début des 90’s, avant de découvrir les vertus du hip hop. Un parcours classique en Angleterre. Et pour compléter ce bref tableau, ajoutons qu'il est joint sur cet album par Steve Christian au mixage (logique), par quelques MC's (Q'n'C, YZ, AG) et par la chanteuse Kate Rogers.

Comme chez Rae & Christian, les titres d'AIM se répartissent en trois catégories. Tout d'abord, les morceaux rappés, "The Force" par exemple, ou, en fin de course, "From Here to Fame", tout à fait conformes à l'idée que le commun se fait du emceeing (dans la mesure où il sait ce que ça veut dire). Mais aux beats doucereux, suaves, dans un esprit assez proche de l'acid jazz d'antan. Le plus réussi d'entre eux, sans doute, est un "Ain't Got Time to Waste" beaucoup plus punchy, soutenu de bout en bout par un gimmick insistant, surmonté de quelques trompettes quand survient le refrain. A l'inverse, "True to Hip Hop" s'avère dispensable, malgré la présence d'AG.

Deuxième catégorie de titres, riche de deux seuls exemplaires, ceux à chants féminins. Le premier heureux élu, "Sail", interprété par Kate Rogers, tout aussi langoureux que mélodique, est une autre réussite. Rien d’étonnant à ce qu’il soit sorti en single. Sans doute ce que le trip hop savait le mieux faire du temps de sa gloire. Le second, "A Tree, a Rock and a Cloud", inversement, est plus soporifique. Il se résume à un "I Need Love" répété indéfiniment sur fond de saxo un peu cliché. Mouais.

Dernière catégorie de titres, de longues pages instrumentales, plus proches des musiques électroniques que du hip hop, mais avec ce qu'il faut de beats heurtés, de samples et d'onomatopées pour se raccrocher au genre. Et curieusement, comme pour Rae & Christian, ces titres sont les plus réussis, dans un genre agréable de musique de salon (sans connotation péjorative). "Cold Water Music", par exemple, premier véritable titre de l'album, à la fois apaisé et très dynamique, est une réussite dans le genre. Jugement strictement identique pour "Downstate". Et aussi, quoique dans une moindre mesure, pour les cordes et les chœurs très démonstratifs de "Demonique". Seule exception dans le genre, un "Journey to the End of the Night" plutôt dispensable.

Cold Water Music s’inscrit donc dans le droit fil de Northern Sulphuric Soul. Mais en plus cohérent. Peu de coups d’éclat sur cet album, mais aucun titre franchement mauvais, ce qui en fait, assurément, la meilleure sortie à ce jour de Grand Central. Pendant que ce label continue dans cette voie, la plupart des rappeurs français et allemands continuent à s'imaginer à New-York et à défendre leur realness, pour finalement nous pondre un brouillon, une pâle copie d'une pauvreté affligeante. Aussi lymphatique, flatteuse, cajoleuse, bâtarde, dénaturée, anglaise en un mot, soit la musique d'AIM, elle plus personnelle et préférable à toutes ces pitreries. En d'autres termes, un bon album de downtempo vaut mieux qu'un disque de hip hop raté. Recommandé.