Le projet solo de RZA, chef d'œuvre annoncé et déjà intitulé The Cure, a beau être en chantier depuis plusieurs années, il n'est toujours pas question d'une sortie à court terme. Au lieu de cela, Robert Diggs, grand enfant, s'amuse. D'abord avec Bobby Digital, BO d'un film blaxploitation fantasmé, ensuite avec Ghost Dog, autre BO, d'un film réel et sérieux cette fois, réalisé par Jim Jarmush et sorti dès 1999 en Europe.
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A défaut de The Cure, aucun de ces deux side-projects du RZA n'est à négliger. Bobby Digital, en dépit de certaines critiques incendiaires ou condescendantes, est mine de rien l'un des derniers projets intéressants du Wu. La deuxième BO quant à elle, presque entièrement instrumentale (à ne pas confondre avec la compilation du Wu inspirée par le film, plus facile à trouver dans le commerce et moins intéressante), est la meilleure occasion de constater, à nu et sans l'artifice d'un rappeur, sans même le cadre contraignant du hip hop, un talent dont l'impact dépasse déjà et largement le genre.
Conformément aux règles de ce genre d’exercice, la BO de Ghost Dog est constituée à jeu égal de phases musicales et de morceaux rappés. Les premières sont le plus souvent de courts thèmes, totalement dévoués à l’atmosphère du film. C’est le cas du "Ghost Dog Theme", du reposant "Flying Birds", d’un "Gangsters Theme" tout en suspens et d’un magnifique "RZA’s Theme", où la patte du maître se reconnaît difficilement. Beaucoup plus proches du wu-style sont en revanche un "RZA Beat" bondissant, un "Samurai Theme" qui renoue avec les vieilles obsessions orientales du producteur, un bien nommé "Funky Theme" ou encore l’instrumental de "Raise your Sword", un titre en plusieurs mouvements, tantôt offensif et enlevé, tantôt mélancolique.
L’autre moitié de l’album est parcourue de titres chantés, qui, sans qu’on en connaisse avec exactitude la genèse et l’histoire, renvoient avec bonheur à l’époque dorée du début des 90’s, celle du premier album, grâce notamment à un Method Man en grande forme. La première version de "Fast Shadow" laisse à désirer, mais la deuxième est tout bonnement prodigieuse. Jugement identique pour le second "Raise your Sword", complément brillant et indispensable de l’instrumental du même titre. Réussite pourtant dépassée quelques temps plus tard par une fin magnifique, un nouveau "RZA Beat" bâti sur un piano, superbe, décisif.
De façon singulière, la BO de Ghost Dog se retrouve à une troublante proximité des œuvres majeures du Clan. Une divine surprise venue dès 1999 relativiser l’indéniable et considérable déclin du Wu. Et un comble, quand on entend Jim Jarmush déclarer que RZA lui a pondu ça à la va-vite, en quelques jours. Mais bon, le résultat est là, excellent, et il faut s’en réjouir. D’autant plus que cette BO a aussi le mérite, pour les personnes un peu effrayées par l'imagerie hip hop et pas très familières avec un genre musical pas si accessible que ça, d'être un excellent point d'entrée vers l'univers riche et complexe du Clan. Néophytes, bienvenue : prochaines étapes, Enter the 36 Chambers, Only Built 4 Cuban Linx et Liquid Swords.
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