On pensait bien ne jamais réentendre cela. Depuis Wu-Tang Forever en 1997, voire avant pour certains, l'histoire du Wu-Tang Clan a ressemblé à une lente dégénérescence. Jusqu'à se résumer, en 1999, à une suite navrante de faits divers (port d'armes, crack, ivresse au volant : la routine quoi...) et d'albums médiocres, voire franchement mauvais. L'âme damnée du Clan, le producteur RZA, retiré dans les limbes, Inspectah Deck, GZA et Raekwon, ses rappeurs les plus intègres, incapables de confirmer, Ol' Dirty Bastard persistant dans son rôle de bouffon, et U-God nul comme d'habitude, on n'espérait plus rien de ce qui fut le groupe le plus génial et prolifique des années 90, tous styles musicaux confondus.

GHOSTFACE KILLAH - Supreme Clientele

Or, voilà qu'en ce début 2000 sort Supreme Clientele, le second album solo d'un Ghostface Killah tout juste libéré de prison, et qu'il ranime tout à coup notre vieille passion pour le Wu-Tang. En mêlant ses paroles traditionnellement alambiquées et les compositions tour à tour incisives et baroques de son premier album au son ample et imprégné de soul que le Clan s'est choisi depuis 1997, cela sans recourir plus de deux fois à la sorcellerie de RZA, Ghostface délivre avec surprise le premier grand album de rap de l'année 2000.

Ghostface, malgré des propos quelque peu cryptiques, n'est pas le plus subtil rappeur du Wu-Tang Clan. C'est la grosse artillerie qu'il déploie sur Supreme Clientele. Les samples notamment, sont cramés. Ils ont été entendus mille fois : sur le "Mayor" de Pharoahe Monch quelques mois plus tôt, sur L'école du micro d'argent des français d'IAM ("We Made It", le titre le plus faible de l'album), ou sur un remix par Kutmasta Kurt des Allemands Terranova ("Stay True").

Mais personne n'a demandé à Ghostface Killah de s'inventer inutilement des obstacles et de refuser l'efficacité redoutable de "One" (où Juju, producteur des Beatnuts, imite le son du RZA à la quasi perfection), de "Saturday Night", de "Apollo Kids" et surtout de "Wu Banga 101", où la moitié du Clan, GZA en tête nous propulse aux meilleurs moments de l'époque 1993-95. Ces titres sont magnifiques et inespérés.

Contrairement à ce que certains critiques trop enthousiastes affirment, on est encore loin d'un chef d'oeuvre comme Liquid Swords (l'indispensable solo de GZA sorti en 1995), mais la qualité presque constante et homogène de Supreme Clientele est bien plus qu'une consolation : une renaissance.

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