DJ Shadow est le plus visible, mais il n'a jamais agi en solitaire. Avant que le monumental Endtroducing… ne lui apporte la renommée que l'on sait, il a été partie prenante de Solesides, un label établi entre Sacramento et cette Baie de San Francisco où s'est épanoui, depuis Del et Digital Underground,, l'un des hip-hop les plus malins et créatifs de Californie. Les autres membres de cette confrérie sont Lateef the Truth Speaker et Lyrics Born, qui forment Latyrx, ainsi que The Gift of Gab et Chief Xcel, du duo Blackalicious.
Cependant, malgré des moments d'anthologie comme "The Quickening", "Balcony Beach", "Storm Warning", "Jada's Vengeance" ou "Bombonyall", les artistes de Solesides, devenu le collectif Quannum à l'orée des années 2000, n'ont pas toujours assuré sur la longueur de tout un album. Le premier disque du collectif, Spectrum s'est révélé très inégal. Et si le sobrement nommé The Album de Latyrx a quant à lui été très bon, il est avant toute chose une compilation.
Sorti après deux excellents EP (le culte Melodica en 1995, puis A2G en 1999), le premier album de Blackalicious est donc la première œuvre majeure délivrée par ces gens. Leur hip-hop festif et métissé, en effet, y est toujours bon. Peu de titres, sur Nia, sont en-dessous du jouissif "Deception" et de son piano entêtant, le tube de A2G, présent ici aussi.
Tandis que The Gift of Gab, tantôt rappeur "conscient", tantôt MC fantaisiste, diversifie ses phrasés, alors qu'il s'essaye au chant, invitant de délicates voix féminines à le seconder, comme sur le splendide "If I May", ou qu'il se montre virtuose sur l'acrobatique "A To G", Chief Xcel cultive un son funky qui sent bon les collages du rap des années 80. Il propose des beats qui, comme ceux de DJ Shadow avant lui, sauront convaincre bien plus que les seuls amateurs de rap.
De réjouissances old school ("The Fabulous Ones") en merveilles soul ("If I May"), en passant par des ballades ("Shallow Days", "As The World Turns", "Sleep"), des étrangetés (ce "Cliff Hanger" produit par Shadow) et des passages hargneux (ce "Trouble" qui s'achève par du turntablism débridé), le duo signe avec naturel l'œuvre rap complète et accomplie que l'on attendait de la sémillante écurie Solesides.
"Nia" signifie "raison d'être", "objectif", "but" en swahili. Manifestement, Blackalicious a atteint le sien. Brillant et homogène, Nia est le point d'entrée privilégié vers ce hip-hop alternatif très inventif né tout là-bas, en Californie du Nord.
Deception est vraiment un titre qui a pas pris une ride avec sa petite ritournelle chantée don't let money change yaaa di da-da la di da.
Ça fait un bail que j'ai pas écouté leur discographie mais dans mon souvenir The Craft était mon préféré suivi de Blazing Arrow et Nia en dernier (jamais écouté les EP).
A noter qu'ils ont un nouvel album qui devrait sortir vers la fin de l'été.