"We hope you enjoyed the ride on this Ventilation album", Phife déclame-t-il en fin de disque. Désolé, mais ça n’est pas franchement le cas, tant s’avèrent indigentes la plupart des compositions de cet essai solo.

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Le single "Flawless", sympathique à défaut d’être mémorable, a un temps laissé croire que l’esprit d’A Tribe Called Quest s’était tout entier réfugié chez Phife Dawg. D’autant plus qu’Amplified, le solo de Q-Tip sorti en 1999, s’était avéré plutôt mauvais. Pas d’affolement, cependant, à l’écoute de Ventilation. Phife a beau avoir convoqué sur cet album les producteurs du moment, à savoir Jay-Dee et Hi-Tek (aux côtés de Pete Rock, Supa Dave West, Fred Wreck et Rick Rock), il a beau se débattre seul comme un beau diable, son album solo ne sort pas vraiment du lot.

Ventilation commence pourtant brillamment par une surprenante intro, déclamée sur fond de guitare acoustique, et par "Flawless", l’aimable single syndical et funky déjà évoqué. Mais après, plus rien de véritablement passionnant pendant de longs tracks. Le "Alphabet Soup" qui vient juste après, produit comme son prédécesseur par Hi-Tek et toute harpe dehors, pas terriblement éloigné de "Flawless" à premier abord, s’avère finalement terriblement long et pénible. Le "Miscellaneous" qui suit a beau être plus entraînant, il est immédiatement ruiné par "D.R.U.G.S." nouvel archétype des productions les plus chiantes du beatmaker de Reflection Eternal, et par un "Club Hopper" tout aussi lymphatique et à peine meilleur. Sans parler du désastreux "Lemme Find Out" produit par un Pete Rock en bien petite forme.

Un "Ben Dova" funky, vient ensuite évoquer un peu plus A Tribe Called Quest, grâce notamment à ses choeurs guerriers à la "Scenario" et à la production de Jay-Dee, qui, en tant qu’ex The Ummah, a tout compris de ce rappeur. Une réussite relative, malheureusement suivie par "Beats, Rhyme & Phife" et "Ventilation", deux nouveaux moments d’ennui total et général. Phife Dawg a beau multiplier les clins d’œil à l’épopée de son ancien groupe, reprendre des rimes déjà prononcées autrefois sur une poignée d’album majeurs, la comparaison, sévère, disproportionnée, n’en est que plus douloureuse. A chaque fin de strophe, l’oreille et le cerveau, bien conditionnés, s’attendent tout naturellement à une répartie de Q-Tip, mais c’est toujours Phife qui se débat, comme un chef, plein de vigueur et de bonne volonté, mais un peu esseulé.

Puis, tel un miracle, inespéré, survient "4 Horsemen", deuxième production de Jay-Dee sur cet album, confirmation ultime du talent et de la réputation de ce dernier, malgré la présence de No Name, MC faiblard. Lent, nimbé, squelettique, d’un parfum légèrement suranné, animé par une rythmique originale, ce titre est la brillante exception d’un album médiocre, un titre magique comme seul un Jay-Dee au meilleur de sa forme sait les pondre. Au point de se demander ce que ce titre invraisemblable vient faire là, perdu au milieu de cette banalité. D’autant plus que le "Melody Adonis" qui suit, produit à nouveau par Pete Rock, s’avère aussi dispensable que la majorité de l’album.

"We hope you enjoyed the ride on this Ventilation album", Phife déclame-t-il sur l’outro. Désolé, de le décevoir, mais ça n’est pas franchement le cas, tant s’avèrent poussives et indigentes la plupart des compositions. Même si ce dernier morceau, très sobre et très court, bâti comme l’intro sur une guitare acoustique, est l’une des rares réussites de l’album. Un comble lorsque l’on considère le prestigieux passé du rappeur... Phife Dawg devrait-il donc se mettre au folk ? Ventilation ne répond bien sûr pas à cette question saugrenue, mais prouve cette fois, même s’il est supérieur à Amplified, même si Phife, souvent éclipsé par Q-Tip, vieillit finalement mieux que lui, que Tribe est bel et bien mort.