C'est un drôle de premier opus que propose XXXTentacion en 2017. Suite au succès du single "Look At Me!", cette année semble pourtant la bonne. Maintenant sorti de prison, cornaqué par les gens influents d'Empire Distribution, figurant parmi les fameux "Freshmen" de XXL, l'étoile montante de la nébuleuse Soundcloud rap a alors tous les atouts de son côté. Cependant, le Floridien se comporte comme s'il voulait les gâcher. Il y a notamment cette épouvantable histoire avec Geneva Ayala, sa compagne, dont on apprend qu'il l'a battue et qu'il a abusé d'elle alors qu'elle était enceinte. Plutôt que de faire profil bas, le rappeur s'inspire de cette relation chaotique pour écrire ses textes (le dernier morceau porte même le nom d'Ayala), poussant une bonne partie de la critique sur la défensive. Quant à celle qui est mieux disposée à son égard, il la prend à rebrousse-poil, avec cet album qui ressemble tellement peu à un album.

XXXTENTACION - 17

Intitulé d'après son nombre fétiche, 17 n'a rien d'un blockbuster. C'est une sortie courte et sèche, inférieure à la demi-heure, au parti-pris amateur et lo-fi, avec un seul et unique invité (Trippie Redd), dont les plages les plus longues dépassent à peine les deux minutes et dont les textes se limitent à chaque fois à une poignée de vers. XXXTentacion, par ailleurs, y prend le contrepied du tapageur "Look At Me!" : il n'y a aucun single ici, aucun sample criard mais à l'inverse ceux ternes d'un inconnu (Shiloh Dynasty), aucun titre pour porter l'album vers des sommets mais au contraire une succession de morceaux à peine finis. Qui plus est, le rap s'efface au profit de l'indie rock ou bien du R&B alternatif, dans un entredeux stylistique difficile à qualifier, où dominent aussi les sons calmes de guitares acoustique et d'un piano.

L'humeur est maussade, et pour cause : les paroles, en effet, tournent exclusivement autour du thème de la dépression. Nommé d'après une jeune femme qui s'est donnée la mort alors qu'elle faisait des séances photos pour lui, "Jocelyn Flores" lui permet de partager sa peine, d'évoquer le suicide de son oncle, et de partager ses propres pulsions morbides. Cet instinct de mort, il en fait part aussi sur le minimaliste "Orlando", quand il entrevoit une solution radicale à ses souffrances. "Depression & Obsession" et "Everybody Dies in Their Nightmares"", en disant qu'amour et dépression ne font pas bon ménage, semblent vouloir expliquer sa relation difficile avec Geneva Ayala, pendant que "Revenge", "Dead Inside", "Fuck Love" et "Carry On" reviennent sur les origines de cet épisode, une histoire d'infidélité. Tout cela, XXXTentacion l'aborde sans détour, avec la naïveté d'un adolescent qui se confie dans son journal intime.

L'album est d'ailleurs présenté comme cela, au cours d'une introduction embarrassante : comme le recensement des cauchemars, des pensées, et d'épisodes de la vraie vie du jeune rappeur. Cette entrée en matière, cependant, contient une phrase encore plus importante. Cet album a beau paraître enregistré à la va-vite par un jeanfoutre de la musique, ce dernier y déclare avoir mis tout ce qu'il avait dedans. Il dit que, dans un geste quasi christique, il y a placé tout son mal-être pour apporter un soutien ou un répit à ses semblables, les dépressifs. Et de fait, derrière ses abords artisanaux, il y a de l'intensité sur 17. Il y a des cris de détresse glaçants qui laissent entendre que rien de cela n'est faux, comme avec les étranglements de voix de "Revenge", comme avec ce "Save Me" qui est ce qu'il annonce, un appel au secours désespéré, comme avec tous ces morceaux désolés où le sol se dérobe sous vos pieds.

A sa sortie, cependant, tout le monde ne ressent pas cela. Cet album commence par diviser. Il sépare ceux qui crient au foutage de gueule des fans bouleversés et de supporters de marque comme Kendrick Lamar, qui en recommande l'écoute sur Twitter. Et comme toujours avec de telles œuvres, celles qui ne laissent personne indifférents, ce sont aux seconds que la postérité donnera raison, quand la mort du Floridien décuplera son aura, que 17 cumulera les succès sur les plateformes de streaming et que cet album bancal si peu paramétré pour la consommation de masse sera consacré néanmoins, à juste titre, comme l'opus majeur de XXXTentacion.

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