L'émergence d'Alley Boy remonte à cette mixtape de 2010, nommée élégamment Definition of Fuck Shit, et parrainée alors par DJ Holiday et par The Empire. C'est elle qui inaugura la suite mémorable composée d'un deuxième volet du même titre (2011), de Purgatory (2011), de The Gift of Discernment (2012) et d'autres sorties encore. C'est grâce à ce projet, au succès du single "Tall", avec Young Dro, qui en était issu, au renfort du rappeur du moment, Waka Flocka Flame, mais aussi à une signature l'année d'avant chez Atlantic Records, que les regards se sont alors tournés vers le rappeur, et que sa notoriété s'est étendue au-delà de ses bases.

ALLEY BOY - Definition of Fuck Shit

Auparavant, Alley Boy s'était déjà fait un nom à Atlanta. En 2005, alors qu'ils étaient en prison, il avait décidé avec Big Bank Black, son frère (de sang, ou de cœur, on ne sait pas trop), de fonder le collectif Duct Tape Entertainment et de focaliser leurs efforts sur le rap, auquel ils ne s'étaient livrés jusqu'ici qu'avec dilettantisme. Encouragés par le succès de Gucci Mane, avec lequel Alley Boy s'était lié trois ans plus tôt, ils avaient tenté l'aventure habituelle : celle du voyou reconverti en rappeur. Il faut dire qu'en matière de délinquance, celui-là en connaissait un rayon. Ayant grandi à Edgewood Court, l'un des endroits les plus malfamés d'East Atlanta, élevé par sa grand-mère (ses parents étant tous les deux des drogués), il avait commencé à dealer dès ses 13-14 ans, et sa première incarcération avait été liée à une sombre histoire de meurtre. Le surnom même d'Alley Boy, il le devait aux allées de sa prison, un endroit où celui qui s'appelait alors Lil' Curt (son nom étant Curtis Freeman), avait croupi dès l'âge de 19 ans.

Son versant brutal et pas commode, le rappeur allait l'entretenir durablement, comme en 2011, quand lui et sa bande allaient faire circuler une vidéo d'eux s'acharnant à coups de poing sur Yung L.A., un ancien protégé de T.I. et de son label Grand Hustle qui avait eu le tort de se tatouer sur le visage l'emblème du collectif Duct Tape, auquel il n'appartenait pas : un… canard. Bref, avec Alley Boy, ce n'est pas du chiqué. C'est même cela qu'il nous vendait avec Definition of Fuck Shit : le vécu, l'authenticité, le vrai son de la rue. Cette sortie avait beau s'inscrire pleinement dans le paysage trap music d'Atlanta, avec ses thèmes de thugs, sa fixation sur les flingues et ses sons rutilants de 808, elle dégageait une intensité qui prenait l'auditeur à la gorge et distinguait Alley Boy de ses pairs. Mieux : même si elle cumulait tous les défauts inhérents aux mixtapes avec son trop plein de morceaux, ses interludes et les hurlements pénibles de DJ Holiday déclamés à tous bout de champ, on ne s'y ennuyait quasiment jamais.

Il y avait "Tall", évidemment. Mais ce n'était même pas le titre le plus marquant. "50 Bars of Poison", "Rappin' & Robbin'" et "Throw It Up" étaient plus accrocheurs encore. Ils faisaient le même effet que les décharges de mitraillette qu'on pouvait y entendre ici ou là. Même chose pour "Get to It", un titre que le producteur The Devil réemploiera en 2014 pour sa très bonne mixtape concept dédiée au thème de la violence. Alley Boy et ses producteurs, cependant, et sans jamais franchir les frontières de la trap music, parvenaient aussi à varier les plaisirs.

A côté des bangers, il y avait les orgues de "You Dont Know" et de "I'm Strapped", le son plus tranquille du très bon "Campaign", et un "Play Maker" sautillant produit par Zaytoven et qui sonnait de fait très Gucci Mane. Ils étaient contrebalancés par des titres plus mélodiques et plus chantés, comme la complainte sous Auto-Tune de "Alone", le refrain bizarre de Kool Ace sur "Dont Hate Me" et, dans un genre plus hasardeux et moins marquant, un "Shiester" lorgnant vers le R&B. Cette mixtape était un festin long de 73 minutes d'une exceptionnelle densité. Et pourtant ça n'était qu'un prélude, le premier volet d'une série de sorties où Alley Boy ne varierait quasiment jamais de formule, mais ferait toujours preuve de la même fougue.

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