Le vaste collectif Oldominion (une vingtaine d'affiliés, rien de moins, répartis entre Seattle et Portland) est l'élément central de la scène rap underground du Nord-Ouest des Etats-Unis, aucun doute là-dessus. Cependant, parce qu'ils sont trop nombreux, trop prolifiques, trop productifs, il est parfois difficile de repérer de véritables pépites parmi les innombrables sorties de tous ces gens. L'une d'elles, pourtant, pourrait bien être ce Polarity, un album conceptuel et intrigant sorti par deux de ses membres (Barfly et Onry Ozzborn) sous le nom sobre de Norman.

NORMAN - Polarity

Under The Needle :: 2003 :: acheter cet album

Avant cet album, Onry Ozzborn (non non, pas le chanteur de hard rock sur le retour, celui qui donnait à la même époque dans la real TV, lisez mieux) n'avait pas toujours convaincu. En tous cas, même s'il fait plus au moins office de leader pour le collectif, ce n'était pas lui qui avait brillé le plus sur One, le seul (et très recommandable) album officiel sorti en commun par Oldominion, en 2000. Mais en 2004, Polarity, un disque produit par ses soins et co-rappé par Barfly, un autre membre du collectif, se montrait particulièrement séduisant et franchement plus solide, plus constant, que ce que tous ces gens nous avaient proposé jusqu'ici.

Polarity était un concept-album. Il nous racontait l’histoire d’un certain Norman, un pauvre type lunatique, mi-dépressif, mi-agressif ("One Man Band"), qui finira par se suicider ("Rockstar Fraternity Initiation"). Barfly et Onry tenaient leur idée, ils l'exploitaient sans fausse note. Mais pour autant, ça restait du Oldominion : le phrasé était classique, le ton était sombre, les samples de synthé ("One Man Band", "Hip Hop Ver 1.7", le hitesque "Easier"), de violons ("Human Traffic"), de cuivres ("I Can't Live Without my Ghetto"), voire le rap Mozart de "Blink Kong", avaient été mille fois entendus, de même que le joli morceau à refrain féminin ("Martyr"). Seul "Weastwick United FC" faisait figure de curiosité, avec son sample de supporters en délire et sa visite de l'imaginaire footballistique britannique (on nous parle ici d'Eric Cantona et de Stiff Little Finger), faux accent anglais à l'appui.

Mi-street, mi-arty, Polarity sonnerait parfois comme un album rap ancien, comme un disque d'arrière-garde datant des débuts de la vague rap indé. Cependant, et c'est là l'essentiel, il fonctionnait, il roulait, il tournait. Tout cela était exploité intelligemment et chaque morceau ou presque faisait mouche, chaque titre accrochait, de "One Man Band" jusqu'à "Drip", (fausse) fin idéale. Ce qui était inédit pour Oldominion, ce qui était rare pour le hip-hop en général et ce qui valait à cette œuvre fort sympathique signée Norman le titre de bonne surprise rap.