Au début du siècle, Z-Ro n'est pas celui qui profite le plus du moment mainstream du rap de Houston. Mais tout de même, il en prend sa part. Désormais chez Rap-A-Lot, le rappeur du Screwed Up Click étend son aura en 2004 avec l'album The Life Of Joseph W. McVey, puis l'année suivante avec un Let The Truth Be Told où l'accompagnent encore Mike Dean et Mr. Lee, son compère Trae bien sûr, plusieurs héros de la scène locale tels que Paul Wall, Devin The Dude et Lil' Flip, et quelques autres comme Ashanti et Juvenile.

Z-RO - Let The Truth Be Told

Ici, d'emblée, Z-Ro exploite la fascination qui s'exprime alors pour la ville texane. Le premier titre, qui sample un célèbre remix par Coldcut d'Eric B. & Rakim, est un freestyle d'anthologie en son honneur. Le rappeur insiste à nouveau sur ses origines quand il invite Paul Wall et Lil' Flip à célébrer leurs grillz, sur les sons screwed de "From The South".

Mais en plus de représenter Houston, cet album nous offre du pur Z-Ro, avec une voix souple de crooner rap qui confine au chant, avec aussi de la tristesse et du vague-à-l'âme, quand il entame l'affaire en évoquant ses amis morts.

Le rappeur est une brute épaisse sur "I'm a Soldier". Il est un thug qui se lance dans des égo-trips menaçants, comme avec Trae et Lil Boss sur "Don't Wanna Hurt Nobody". Ou bien il se fait aussi facétieux que ses invités Devin The Dude et Juvenile sur "The Mule", le temps d'un moment humoristique consacré aux filles. Mais parfois, aussi, il fend l'armure.

Que la vérité soit dite. Ainsi s'intitule cet album, car la spécificité de Z-Ro, c'est qu'il ne glorifie pas son statut de gangster. Son univers, il l'expose de manière crue, sans cacher les blessures psychologiques qu'il lui inflige. Le Houston que Z-Ro nous décrit sur "It Don’t Stop", "The Same One" et "It's A Shame", n'est pas un monde glamour et confortable.

Le morceau rituel à propos des proches disparus, "1 Night", le confirme. Ses traumatismes transparaissent, notamment la mort de sa mère quand il n'avait que six ans, abordée sur le dernier titre cité ainsi que sur le joli "Auntie & Grandma", celui qu'il dédie à la tante et à la grand-mère qui l'ont élevé.

Même sur "Platinum", un titre mollasson où Z-Ro se félicite de sa réussite, on ressent une pointe de mélancolie et de modestie. Et parfois, c'est un homme en détresse qui s'ouvre à nous, sur le paranoïaque "Respect My Mind", ou sur "Help Me Please", avec l'écriture imagée qui sied à son désespoir :

I done see too many killings
Just like my vision is mean to me
And my eyes don't like me
And my soul wanna leave

J'ai vu bien trop de meurtres
Ma vision me joue de sales tours
Et mes yeux ne m'aiment pas
Et mon âme veut partir

Comme il le prétend sur "Another Song", Z-Ro aimerait changer de registre et entonner des chansons joyeuses, mais sa vie l'en a rendu incapable. A la place, il chante le blues, prétend-il sur le magnifique "Everyday, Samethang". Et il n'est jamais aussi bon qu'en ces circonstances. Quand, pessimiste, il explore chaque recoin de son existence de damné.

Que la vérité soit dite : même si Let The Truth Be Told a trop de postures éculées et de moments superflus pour être un chef d'œuvre total, Z-Ro montre en de tels moments qu'il est l'un des plus grands que nous ait donné le Texas.

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