Spitta n'est pas le pseudonyme du seul Curren$y. Pas très loin, dans le même Etat de Louisiane, c'est aussi celui de Jason Taylor, un homme qui, au milieu des années 2010, a fait partie avec Scotty Cain et quelques autres de la même promotion que NBA Youngboy, celle des nouveaux espoirs du rap de Baton Rouge. Membre à l'origine de Badd Nooze, un duo qui s'est fait connaitre par le tube local "Mental Home", il s'est lancé seul en début de décennie, et il a connu son meilleur moment en 2016 avec Shottas 2, une mixtape de référence portée par un single, "Pressure", qui sera remixé un peu plus tard avec le grand patron des lieux, Boosie Badazz.

SPITTA - Shottas 3

Trois ans après sort une suite, Shottas 3. Et elle est aussi de très bonne facture. Taylor s'y montre tel qu'il se nomme : il est un spitter, un rappeur qui rappe, avec une ribambelle de punchlines, un égo-trip gorgé d'auto-dérision, une suite de blagues qui sont là pour faire oublier la misère sociale qui transparait à l'arrière-plan, sur "Gotta Be Real" par exemple.

They say I am too gangsta
Do something for the ladies

Ils disent que je suis trop gangsta
Fais un truc pour les dames

C'est ce que déclare Spitta à son propos, sur "No Cap". Les dames, pourtant, il y pense. Il en parle, énormément, mais sur un mode burlesque et indélicat, comme sur "Da Goat" :

She say she pregnant
But all she did was give me head

Elle dit qu'elle est enceinte
Mais elle n'a fait que me sucer

Tout cela a la saveur de Baton Rouge, avec ses moments charnels, avec ses synthés tournoyants et ses rythmes sautillants descendus en droite ligne de la bounce music, avec son ambiance poisseuse typiquement sudiste entretenue par exemple par un orgue, sur le très bon "Spelling Bee" qui ouvre l'album, avec ses sifflets et ses cloches, avec aussi ces beats dansants qui émulent les cuivres patauds du carnaval, notamment ceux de "Boy Ya Dumb", le tube de cet album.

Le tube de l'album, mais pas son meilleur titre. Shottas 3 en a des supérieurs comme les "Spelling Bee" et "No Cap" précités, ce "Porch" qui nous ramène au cœur de son monde, l'efficace "Rock Out", ou bien le marrant "Perfectly Imperfect".

Avec Shottas 3, le rappeur de Baton Rouge nous apporte un vrai album plutôt qu'une mixtape, avec une carte étonnamment variée pour du rap régional, passage R&B de rigueur compris (un médiocre "Cum Ova"). Au bout du compte, même s'il n'a pas percé au-delà de sa ville, sa carrière ayant été interrompue comme tant d'autres par ses allers et retours en prison, Spitta a bien été, là-bas, un rappeur qui compte.

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