La meilleure façon de raconter une histoire est, parfois, de laisser s'exprimer ses acteurs. C'est visiblement ce qu'a pensé Lance Scott Walker. Pour accompagner Houston Rap, le recueil de photos qu'il a publié avec Peter Best en 2013, il en a sorti un autre l'année d'après. Celui-ci, plus textuel, compile dans un ordre mi-chronologique (en fonction de la période d'activité des intéressés), mi-géographique (en fonction de leurs quartiers d'origine), les interviews de tous les rappeurs, producteurs, patrons de label, animateurs radio et autres activistes, qui ont fait de la ville texane une place-forte du hip-hop. Et pour s'assurer qu'il contienne le plus de témoignages possibles, une version augmentée est sortie en 2018.
Lance Scott Walker les a tous interviewés. Les stars comme Willie D, Scarface, Bun B, Paul Wall et Slim Thug, d'autres références comme Big Mike, Z-Ro et Lil' Keke, mais aussi toute une escouade de gens moins célèbres au-delà de la ville. Les gangsters, ceux qui représentent la veine principale du rap de Houston, mais aussi les autres, comme les backpackers de K-Otix, ou encore le rappeur punk B L A C K I E.
L'auteur a cherché à être le plus exhaustif possible, à couvrir l'ensemble de la scène. Il a même triché pour cela, certaines interviews réalisées à d'autres époques et dans un autre cadre que la publication de Houston Rap ayant été annexées à ses Houston Rap Tapes. Ou alors, pour des artistes trop récents pour qu'il ait pu les interviewer, par exemple Travis Scott, Maxo Kream, Kirko Bangz, Beatking et Riff Raff, il s'est contenté d'ajouter des pochettes d'albums dans une section nommée "future", façon de signifier qu'il ne les oubliait pas.
L'autre parti-pris de Lance Scott Walker a été de laisser tous ces gens s'exprimer librement, sans leur imposer ses thèmes.
Certains apportent des éclairages sur l'histoire du rap de Houston, par exemple Shorty Mac, un très proche de feu DJ Screw, qui explique ce que ce dernier a représenté pour la ville, ou Big DeMo, qui retrace à sa sauce toute l'épopée du hip-hop de Houston, voire celle des Etats-Unis en général.
D'autres abordent l'arrière-plan social de cette scène et le contexte particulier des quartiers, tel Wood, qui traite du combat de sa mère contre la drogue, ou Top Dog, qui se livre sur son activité de pimp. Ou bien ils parlent avec amertume de ce miroir aux alouettes qu'est le monde de la musique, par exemple Kay of The Foundation, qui dit que fréquenter Ali Shaheed Muhammad d'A Tribe Called Quest ne lui a jamais permis d'étoffer son compte en banque.
D'autres, enfin, partagent leurs obsessions. Dope E., qui a produit pour Ganksta N-I-P et K-Rino, est un conspirationniste qui débite ses théories sur les illuminatis. Son collaborateur Justice Allah est en croisade contre la malbouffe qui ravage les quartiers. DJ DMD, un proche de UGK qui a trouvé la foi, débite ses bondieuseries. Et DJ Paul passe une grosse partie de son interview à s'exprimer sur son hygiène de vie et sur ce qui l'a conduit à se faire opérer de l'estomac.
Mis bout à bout, ces témoignages donnent un bon aperçu de qui sont ces gens, et de l'univers qui a donné naissance au rap de la métropole texane. Tout cela rend compte, aussi, de cette division entre le nord et le sud de la ville, si importante pour comprendre sa scène rap. Mais au bout du compte, ces interviews se montrent d'intérêt et de qualité très variables.
Elles peuvent même s'avérer difficiles à suivre, pour qui n'est pas familier des lieux. Soucieux de rendre hommage à tous les gens qui ont construit et animé cette scène, Lance Scott Walker a privilégié la quantité à la qualité. Et son livre, au bout du compte, parlera davantage aux connaisseurs et aux fous furieux du rap de Houston, qu'à l'amateur occasionnel.
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