Il y a toujours eu plusieurs types de rappeurs gangsta. Tout d'abord, ceux qui n'ont jamais vraiment eu d'activité criminelle, mais qui néanmoins ont choisi ce registre, ceux qui jouent un rôle. Ensuite, les bandits à la petite semaine, ceux qui ont enjolivé dans leurs raps leur passé de petits délinquants. Il y a aussi ceux qui jouent sur les deux tableaux, le deal d'un côté, le rap de l'autre, en attendant de voir ce qui marche le mieux. Enfin il y a les vrais criminels, les mafieux.

CHITO RANA$ - Dead Or Alive

Né en 1995, sévissant du côté de la Californie, à Sacramento, Chito Rana$ est l'un d'eux. En 2016, il a été l'un des cinquante-et-un malfrats pris dans le coup de filet de l'opération "Frog Legs", montée par la brigade des stups locale. Il est alors, en effet, un membre majeur des Canta Ranas, un gang lié à la mafia mexicaine. Cependant, en 2019, c’est en tant que rappeur qu’il se distingue, avec le titre "Riche$", et quelques autres comme "Patrullando", "North Sac Baby", ou encore "Cuerno de Chivo", avec son acolyte Swifty Blue.

La prison le rattrape alors à nouveau. Mais quand il sort, en 2023, sa légende s'est construite, les attentes sont devenues grandes, et pour y répondre, son label OTR Records signe un partenariat avec Columbia. En juillet, le single "All The Smoke", où il aborde son séjour en cellule et l'assassinat un an plus tôt de son frère et collaborateur Jali$co, cartonne localement. Et quelques jours après, il embraye avec un album, Dead Or Alive. Celui-ci s'ouvre par un titre produit par Cypress Moreno, "Really Wit It", qui rappelle à ceux qui en doutaient encore que Chito Rana$ est plongé jusqu'au cou dans le banditisme, et qu'il ne cessera jamais de l'être.

C'est du blues du gangster, mais abordé mais sous de nouveaux angles, avec le minimalisme de ce "Wok" où Rana$ parle de son stress post-traumatique, et de beaux morceaux tristes comme "La Letra", où il évoque encore la mort de son frère. Tout cela s'accompagne de pianos mélancoliques et de ces guitares fréquentes chez les rappeurs latinos, avec parfois des phrasés chantonnés et des textes sentimentaux ("Thuggin'", "Move On"), des propos d'âmes perdues vouées au crime, des paroles qui, signe distinctif pour ce Mexicain d'origine, naviguent avec aisance de l'anglais à l'espagnol.

C'est le cadre adéquat, celui d'une musique faussement tranquille et débonnaire à la Stinc Team, celle-là même qui, du Sud au Nord, de Los Angeles à Sacramento en passant par Stockton, infuse tout le rap californien. C'est souvent très bon, de "Really Wit It" au redoutable "Like Us", un posse cut à l'honneur de sa bande, et ça sonne authentique. Aux dernières nouvelles, en effet, Rana$ serait de retour en prison…

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