C'est une toute petite ville, Tutwiler. A l'échelle de l'Amérique, c'est même un village. Pas même 4000 habitants, en tout et pour tout. C'est familial. D'ailleurs, la maire de l'endroit est la tante de Da’Jour Walker. Alors quand celui-ci, sous le nom de BigWalkDog, a été remarqué par Gucci Mane, quand il a rejoint son New 1017 et qu'il est apparu sur son single "Poppin'", il a eu droit à un retour triomphal.

BIGWALKDOG - Trick City

Là-bas, l'enfant prodige a été accueilli avec tambours et trompettes, une parade a été organisée en son honneur. Et tant pis si, en vérité, Walker ne vit plus à Tutwiler. Tant pis si le rappeur a enregistré ses premiers morceaux à Memphis, et qu'il s'est installé près du maître, à Atlanta. L'espace d'un instant, on a fait la fête dans ce coin perdu du Mississipi.

Oui, Tutwiler est un coin perdu de l'Amérique. Mais pas n'importe quel coin perdu. C'est aussi le lieu de naissance de John Lee Hooker, et d'un ou deux autres célèbres bluesmen. C'est le vrai sud profond, et donc le cœur battant de la musique afro-américaine, de cet art simple, générique et qui, pourtant, dégage infiniment plus d'émotion que n'importe quel autre aux prétentions esthétiques plus marquées.

La trap music a cela de commun avec le blues. Et BigWalkDog, lui aussi, partage cela avec le blues. Son premier album Trick City le démontre. Il ne dévoile rien, mais alors rien de surprenant dans la tradition de Gucci Mane. Tout au long, mis à part de rares digressions comme la contribution de Helluva sur "I'm the One" (comme pour rappeler qu'enfant, BigWalkDog a passé beaucoup de temps à Detroit, où vit son père), c'est de la musique d'Atlanta. C'est du 808 et des touches de piano, cette formule tellement balisée.

Cependant, on se sent bien dans le cadre familier de cette Trick City, quand bien même est-elle envahie par la violence et la drogue. S'offre à nous un album homogène, sans grand faux pas, qui nous apporte le confort de propos maintes fois entendus, comme cette passion pour les bijoux clinquants que le rappeur partage avec son mentor, ou bien ces références éparses aux voitures de luxe, au percocet et aux pole dancers. Rien ne brille par l'originalité, ni les intitulés des morceaux ("So Icy", "Love of the Money", etc.), ni l'ad-lib de circonstance, un simple "hey" en ce qui concerne BigWalkDog. Et malgré tout, il y a pléthore de bons moments.

Il y a les singles bien sûr, notamment "Poppin'", mais aussi "Whole Lotta Ice" avec Pooh Shiesty, autre protégé de Gucci Mane, et la star d'Atlanta Lil Baby. Et puis il y a les autres, tels que l'atmosphérique "Mary Jane" avec son histoire de types fumés comme de la marijuana, les deux moments de storytelling intitulés "What You Hear", les embrouilles relatées sur le piano ruisselant de "Nino", le moment emo gangsta "Son of a Gun", l'hymne à la réussite "Came from the Bottom", et cet "Uncle Tommy" serti de jolis chœurs, où les rêves de richesse s'entremêlent de souvenirs familiaux.

A ceux-là s’ajoutent d'autres encore parmi les dix morceaux bonus, tels que le duo de mauvais garçon avec Rylo Rodriguez, "SIN", et cet autre hymne pour les strip clubs qu’est "Vert", avec Big Scarr. Tout un tas de moments qui font que, même dans sa longue version étendue, nous tenons l'un des plus satisfaisants produits de série (t)rap de cette année.

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