Interprété avec deux autres Texans notoires, Mike Jones et Bun B, "They Don't Know", le second single issu du premier album en major de Paul Wall, est une virée à travers la scène rap de Houston. Elle y est représentée par les figures de DJ Screw et de Michael Watts, la musique chopped & screwed, le mouvement "Free Pimp C", le purple drank, les grillz en or, les Cadillac couleurs bonbon et tous les équipements rutilants, jantes et pare-chocs chromés, qui vont avec.

PAUL WALL - The Peoples Champ

C'est qu'en 2005, à l'apogée du rap sudiste, Paul Wall est l'incarnation même du rap de sa ville. Certes, il a pour particularité d'être blanc, mais c'est souvent un autre détail de son apparence qui retient l'attention, ces impressionnantes grillz qui ornent ses dents, mises en avant sur la pochette. Sa couleur de peau, on l'oublie bien vite, au regard du reste.

Car au sein de la scène de Houston, le parcours de Paul Slayton est exemplaire. Avec son comparse Chamillionaire, et plus globalement avec leur Color Changin' Click, il se distingue sur le circuit des mixtapes et il rejoint un temps Swishahouse. L'album du duo (Get Ya Mind Correct) est un spectaculaire succès commercial, compte-tenu de sa sortie en indépendant. Avec Slim Thug, il est l'un des interprètes du "Still Tippin'" de Mike Jones, le single qui permet au label de Michael Watts et d'OG Ron C de signer un accord avec la major Asylum, et à la musique de Houston de devenir tout à coup un phénomène mainstream. Et à la suite de tout cela, son second album, The Peoples Champ, numéro 1 à sa sortie aux Etats-Unis, connaît lui aussi le triomphe.

The Peoples Champ exalte un style devenu populaire à l'échelle nationale, alors qu'il reste inéluctablement ancré dans sa région. Malgré la présence de rappeurs de La Nouvelle-Orléans (B.G., Lil Wayne), d'ailleurs au Sud (Three 6 Mafia, T.I.), voire de plus loin encore (Kanye West, Freeway), il est de façon indéniable un produit de Houston.

Même quand, avec "Drive Slow", il recycle le titre d'un album issu d'ailleurs, à savoir le Late Registration de Kanye, il est encore question de la culture de l'automobile propre à la ville texane. Peut-être parce que, comme tout rappeur blanc, Paul Wall a dû prouver plus fort son authenticité, il n'a pas abâtardi sa musique, il n'a souffert aucun compromis.

Cet album a beau être sorti sur major, l'essentiel de sa production a été confiée au duo local Grid Iron, qui contribue à ses meilleurs moments. Et même quand ce sont des figures plus notoires qui interviennent, comme DJ Paul et Juicy J sur "I'm a Playa", elles se fondent dans le moule de Houston.

Le long de ce disque, on entend le tempo lent, les orgues gluantes, les synthétiseurs sales, les guitares boueuses, les basses à faire exploser les carrosseries des bagnoles, les voix ralenties et dédoublées du chopped & screwed (pour appuyer le propos, l'album est accompagné d'un double remixé selon ce mode) et l'argot typiques de la ville. L'album est tellement de sa région que même ses samples sont issus quasi exclusivement de morceaux de Houston et du Sud.

Ici, il s'agit de profiter du succès de "Still Tippin'" (quitte à le sampler et à en recycler les vers), et de ne plus se focaliser que sur deux choses : célébrer la H-Town, et se célébrer soi.

Là réside l'essentiel du propos : The Peoples Champ est un long égo-trip, où Paul Wall fait part de son existence de branleur, d'une vie passée à chasser l'argent au volant de sa voiture, à y parader avec une fortune sur le dos (et sur les quenottes), à écumer ainsi les rues de sa cité et à être par ailleurs, à en croire les morceaux "Smooth Operator" et "Internet Going Nutz", un amant (ou un mac) d'exception.

Paul Wall n'est pris à défaut que sur "Just Paul Wall", un finale autobiographique plutôt anodin, et sur le single "Girl", où il s'inquiète de voir sa copine se faire monter la tête par des amies jalouses et menacer de le quitter, pendant qu'il se livre à son dur labeur de délinquant. Tout cela, remarquent alors des critiques, manquerait de substance. De substance oui, mais sûrement pas de matière. Celle de l'Etat du Texas.

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