Le jeune délinquant qui rappe à ses heures perdues, en amateur, mais qui, une fois en prison, une fois aussi qu’il a perdu quelques-uns de ses proches, décide de s’y consacrer plus assidument afin que cela devienne son ticket de sortie de la criminalité. Cette histoire, elle est archétypale. C’est celle de pléthore de rappeurs, qu’ils aient fini par percer ou non. C’est aussi, dans le quartier d'Oak Park à Sacramento, celle de Kony, l’un des membres fondateurs du collectif ShooterGang, avec son ami JoJo. Après plusieurs projets et des mésaventures pénales, il a sorti en 2018 un titre avec l’aide de Mozzy, "Location on the Flyer", son premier fait d’arme, puis en 2019 ce qu’il considère comme son véritable projet, un Second Hand Smoke sombre, introspectif et distribué par Empire, qui lui a permis de capter l’attention au-delà de sa scène locale. Et cette année, il a continué sur sa lancée avec un Red Paint Reverend tout aussi solide.

SHOOTERGANG KONY - Red Paint Reverend

ShooterGang Kony a été comparé à deux des groupes ou artistes les plus en vue de ces dernières années, dans sa Californie du Nord natale, et ce n’est pas seulement du fait de sa proximité géographique et amicale avec eux. A la manière de la figure éminente de la scène rap de Sacramento, son collaborateur Mozzy, il fait part d’une voix âpre et avec des paroles menaçantes de la violence inhérente à son milieu, comme avec le très bon "Cash Back", avec Mazerati Ricky. A SOB x RBE, qu’il a récemment accompagné en tournée, il emprunte parfois une musique électrique et bondissante, comme sur "Jungle" et sur "Glock 21". De même que le quartet (désormais trio) de la Baie, il aime aussi les alternances entre raps et chants, comme quand Lil Bean joue le rôle de Young T.O. sur "Industry", ou que c’est TeeJay3k qui s’y colle sur le titre "Bussdown", où figure une autre référence du rap nord-californien, Nef the Pharaoh.

Mais c’est bel et bien quand il a le vague-à-l’âme, que le rappeur de Sacramento convainc le plus. C’est quand ses morceaux font preuve d’une forte intensité mélancolique, comme avec les chantonnements féminins sur "Industry", ou avec sa collaboration avec Mozzy, "Dearly Departed", un portrait lugubre et désespéré de la vie de la rue, dominé par la peine, la mort et la fatalité. Et nulle part, sur cet album globalement réussi, le spleen de ShooterGang Kony n’est aussi beau que sur "A Sinner’s Story", un titre profondément pessimiste où, sur un piano triste et des chants évaporés, on entend le Californien pleurer ses amis morts et s’interroger sur Dieu. Kony a beau s'inscrire dans la tradition musicale de sa scène, il est atteint lui aussi du blues du gangster, lequel n'en finit pas de transcender les rappeurs à travers toute l’Amérique.

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