Si la scène de Detroit nous fait tellement de bien à la fin des années 2010, c'est sans doute qu'avec ces gens, ça rappe sec, carrément, absolument, à l'opposé de la tendance dominante de l'époque, celle qui voit les rappeurs se transformer en couineurs et en chuchoteurs. Rio Da Yung OG, lui, ne vient pas de Detroit, mais c'est tout comme. Il est de Flint, à une centaine de kilomètres de là, et son style de rap en est en quelque sorte une extension, comme l'indique l'identité des invités sur ce Ghetto Babies. Sur ce projet, l'un des multiples qu'il sort en 2019 alors qu'il est assigné à domicile pour de sombres histoires de drogue, on retrouve en effet Babyface Ray, sur un excellent "How You Want It" au parfum rétro de l’electro, ainsi que Peezy, celui-là même qui a découvert Rio et l'a pris sous son aile, sur près de la moitié des titres.
Cette sortie a suivi de quelques semaines seulement l'inaugural Testers. Mais l'ordre importe peu. Sa plus médiatisée à ce jour incluse, la récente City on my Back, elles sont relativement interchangeables. La formule est toujours la même, le rappeur y faisant honneur à son surnom de "Yung OG". A 25 ans, il est encore jeune, mais tout comme son visage scarifié, ses propos signalent un certain vécu en matière de délinquance. Ce que Rio nous délivre, ce sont des récits d'une criminalité ordinaire, avec la drogue, les armes, le sexe et la prison en l'arrière-plan. Ce qu'il nous expose, c'est une vie qui se décide au jour le jour en fonction de deux préoccupations : comment récolter sa monnaie, et comment la dépenser. Et il déclame tout cela avec le seul souci de dire, de manière monotone et linéaire, dans une sorte de spoken word de la rue, sans paraître se préoccuper outre-mesure de la musique qui l'accompagne.
Celle-ci compte, pourtant. Et elle est bel et bien semblable à celle en vigueur à Detroit : rythmée et froide, remplie de pianos nerveux et de synthés menaçants. Comme pour décupler ce sentiment de précipitation, ces vignettes sont très courtes. Elles tournent toutes ou presque autour des deux minutes. Et c'est une durée parfaite pour que le rappeur nous parle sans pause de son expérience, dans un style voisin de celui de son parrain Peezy sur sa série des No Hooks ; un style tout aussi efficace, que les deux s'allient avec réussite sur les relevés "The Get Off" et "Belly", qu'on entende aussi RMC Mike, avec lequel Rio a sorti les deux albums Dumb & Dumber, ou que l'homme de Flint, comme il l'a fait maintes fois depuis, s'avance seul au micro.
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