L'année 2009 est, pour Three 6 Mafia, celle des albums solos, avec la sortie coup sur coup du Scale-A-Ton de DJ Paul et du Hustle Till I Die de Juicy J. Elle marque aussi pour les deux hommes, après leurs années de succès grand public, un retour aux fondamentaux et à la sauvagerie de leurs débuts.

JUICY J - Hustle Till I Die

Le titre du second solo ne dit pas autre chose, pas plus que son introduction homonyme. Celle-ci nous entraine tout de go dans les bas-fonds de Memphis et dans des histoires de trafic de drogue massif, avec l'appui marqué de V Slash, l'une des proches de Juicy J à l'époque, qui sur cet album lui prête son micro presque autant qu'à son frère, Project Pat.

Mais peu importe qui le tient, ce fichu micro. Les paroles, dans l'ensemble, ne volent pas haut. A l'exception du storytelling de "Ghost Dope", ce ne sont que des chants, des déclamations et des affirmations dénuées de toute mesure.

Sans rien compenser par leur adresse verbale, les rappeurs usent de thèmes usés jusqu'à la corde. Avec Project Pat et Gucci Mane, Juicy J compare sa Chevrolet à une femme à chérir sur un doux sample des O'Jays ("30 Inches"). Il part dans un délire pornographique ("Ugh Ugh Ugh") et dans d'énièmes odes à la marijuana ("Fiyayaya Weed", "Purple Kush"). Et comme cette substance ne lui suffit pas, il vante aussi tous les narcotiques imaginables ("Let’s Get High").

Il expose ses talents de maquereau ("That What A Pimp Does") tout comme ceux de dealer ("Sell A Lot of Thangs"). Il exalte l'esprit de gang ("My Niggaz") et il trace une ligne entre "eux" et "nous" ("You Niggaz Pussy"). Il se lance dans des menaces de meurtre ("You Can Get Murked"). Avec ses acolytes, il proclame avec barbarie son appartenance à un territoire ("North Memphis Like Me"). Et pour clore le propos, il envoie tout le monde se faire foutre ("Fuck All Ya’ll").

Ce qui lui importe, ce n'est pas la sophistication des textes, mais de décupler leur impact et leur bestialité avec les sons adéquats. Et ça, Juicy J et sa bande savent faire. Mine de rien, cet album cru regorge de trouvailles et d'astuces musicales.

Le fondateur de Three 6 Mafia ralentit habilement le tempo sur "My Niggaz", passant d'une strophe relevée à une autre, menaçante et appesantie, sans pourtant rien changer de la mélodie. Il commence "Purple Kush" avec un rythme squelettique, avant de l'habiller soudain de notes de piano. Il use, fort à propos, de voix vaporeuses sur "Let’s Get High".

Avec la même adresse, il insère la voix samplée de M.I.A. à une musique façon film d'horreur sur "Fiyayaya Weed". Et puisqu'il est question de films d'horreur, c'est justement l'un d'eux, Creepshow, qu'il sample à nouveau sur "Get Me Some Money" (il en avait déjà usé dix ans plus tôt, sur "Mafia Niggaz"), avec le même génie que Speaker Knockerz quelques années plus tard, sur un morceau de Shy Glizzy. Bref, c'est bel et bien la musique du diable, perverse et séduisante.

Avec ces sons à la fois horrifiques et relevés, Juicy J excelle à délivrer des hymnes de thug, comme "Violent", "You Niggaz Pussy", "Real D Boyz" ou "You Can Get Murked". Ce que le rappeur et producteur nous propose, c'est de la musique sépulcrale, brutale et viscérale, qui compte avant tout pour l'intelligence de sa production et pour l'énergie de ses raps, celle de mise à l'époque de Waka Flocka. De fait, sur Hustle Till I Die, l'homme de Memphis fait ce qu'il a toujours fait : il montre la voie. Un an avant l'échéance, c'est ici, chez ce rappeur déjà vétéran, que commence la décennie 2010.

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