Tout vient de là, tout vient du blues. En tout cas dans le rap actuel. En tout cas chez ces cohortes de gangsters mélancoliques et de mauvais garçons pleurnicheurs qui semblent courir les rues de nos jours. En tout cas autour de Baton Rouge, une ville dont les stars sont NBA YoungBoy, Kevin Gates ou, avant eux Boosie, le géniteur de cette tendance.

JAYDAYOUNGAN - Misunderstood

Javarious Scott, lui, ne vient pas de la capitale de la Louisiane, ni même de La Nouvelle Orléans. Ses bases sont ailleurs dans le même Etat, dans la toute petite ville de Bogalusa. Mais clairement, il appartient à la lignée des gens susmentionnés. L'une des premières fois où il a attiré l'attention, d'ailleurs, c'est au côté d'un autre adepte de ce rap tout en peines et tout en douleurs : le Floridien Yungeen Ace, sur rien de moins que son grand morceau de bravoure, "Jungle".

JayDaYoungan a sorti beaucoup de projets depuis ses débuts en 2017, au cours d'un parcours marqué par le succès local de sa première mixtape, Ruffwayy, et par celui, plus large, du morceau "Interstate", puis du long-format Forever 23, tous deux en 2018. Parmi les sorties récentes de ce rappeur prolifique, Misunderstood mérite aussi d'être remarqué. Il donne tout du moins un bonne vue d'ensemble sur son registre.

Voici donc un rap chantonné par quelqu'un qui, dans une interview récente, a déclaré qu'il se verrait bien poursuivre une carrière dans le R&B. Son style lancinant prend même parfois la forme de romances, sur "Missing You", "Love You" et "Broken Promises". Mais il n'en fait pas moins preuve d'habileté et de fluidité verbales. La musique, quant à elle, amplifie le pathos des paroles, avec son rythme lent. Et souvent, comme elle a toujours été le meilleur instrument pour accompagner celui qui a le blues, JayDaYoungan dégaine les notes d'une guitare, comme sur "Body Bags", "Missing You", "Survive", "23 Island" et "Shooters", même si des pianos, voire des steel drums, trouvent aussi leur chemin, ici ou là.

A la longue, et malgré des passages à contre-courant comme le sautillant "Head Bust" (en compagnie de Boosie Badazz, tiens donc...) et les menaces de mort de "Dreadlocks", les complaintes de JayDaYoungan sont irritantes et elles paraissent sur-jouées. Ses paroles sur l'abandon, la trahison et ses rivaux virent au cliché. Ses réflexions sur la mort, la fuite dans la drogue et ses tourments personnels tournent à la formule. Toutefois, l'originalité a toujours été surcotée.

Ce qui compte, c'est de faire de la bonne musique. Et JayDaYoungan avec de grands moments comme cet "All On Mine" qui nous parle des hypocrites et des envieux, les tout aussi paranoïaques "Nobody Safe" et "Don’t GAF", le lourd et agressif "Flash Out", ou bien le plus introspectif "Raw".

Alors, "misunderstood", JayDaYoungan ? Incompris ?

Peut-être plus pour longtemps.

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