Il y a un parcours bien défini, si l'on est un rappeur et que l'on souhaite bâtir son empire, et Slim Thug l'a suivi. Le Texan a d'abord intégré un label local respecté, en l'occurrence le Swishahouse de Michael "5000" Watts et d'OG Ron C, puis il s'est fait un nom en inondant le marché local avec ses mixtapes, au début des années 2000. Il a ensuite rejoint la major Geffen pour lancer son premier album commercial, l'historique et très recommandable Already Platinum, puis il a placé ses pions en créant autour de lui son propre label-équipe, Boss Hogg Outlawz, lequel a suivi à son tour le même chemin : ses membres ont sorti plusieurs mixtapes, avant de concrétiser par une sortie plus officielle. Certes, Already Platinum n'a en fait pas été disque de platine, mais son succès fut tout de même considérable. C'est vrai, les Boss Hogg Outlaws ne sont pas devenus un nouveau Wu-Tang Clan, seuls quelques-uns ont fait un peu parler d'eux plus tard, mais leur premier album était lui aussi tout à fait appréciable.

BOSS HOGG OUTLAWZ - Serve & Collect

Serve & Collect était très générique. Le titre, qui adaptait le slogan de la police, "serve & protect" (servir et protéger), à l'ordinaire du trafiquant de drogue (servir et collecter), nous l'indiquait : Killa Kyleon, Sir Daily, PJ, J-Dawg, C. Ward, Young Black, Rob Smallz et Slim Thug lui-même nous parleraient du doux métier de dealer. Ils rendraient hommage à leur noble profession sur "This is for My G’s", et ils joueraient aux branleurs magnifiques écumant la ville de Houston des billets pleins les fouilles. Ils porteraient fièrement les couleurs de leur Etat sur "Straight Outta Texas". Sur "Wood Wheel", "Ride on 4's", "Back to Front" et "I’m Fresh", ils paraderaient ou prendraient du bon temps dans en voiture. Ils s'autoriseraient quelques saillies misogynes sur "I’m a Hogg". Et ils feraient cela à la mode de Houston, synthés suaves et voix chopped & screwed en tête, voire à la mode country rap tunes sur "I Gotta Get It". Même quand ils ne respectaient plus cette formule, les titres étaient sans surprise, comme ce doux "Rollin’" au refrain chanté, comme les moments R&B délivrés par Rob Smallz sur "I Gotta Get It" et ce "Cheating" où, avec Slim Thug, il se lamentait des filles qui cherchaient à profiter d'eux.

Rien ne surprenait sur ce premier Boss Hogg Outlaws, et la critique déteste ça. Elle prétend préférer l'originalité. Son problème, en réalité, c'est qu'il lui est toujours plus facile de commenter un album qui sort de l'ordinaire, qu'un produit générique, fut-il aussi satisfaisant que ce Serve & Collect. Pourtant il était bien, cet album. La production était irréprochable, les titres étaient souvent irrésistibles, que l'on parle de la mélodie de "We Boss Hoggin’", le solo de Slim Thug qui ouvre l'album, du scintillant hymne pour branleurs des rues "Recognize a Playa", de l'efficace ode à la richesse de Killa Kyleon sur "Badge on My Neck", ou bien du conclusif "Heat on my Side", une dédicace aux flingues. Ne serait-ce que par leur nombre, les Boss Hogg Outlawz apportaient à Serve & Collect une diversité de tons et de voix qui le rendait encore plus gouleyant. Et en vérité, il n'a jamais fallu rien de plus que cela pour délivrer un bon album.

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