Le "Ante Up" de M.O.P. est un titre emblématique. Il est de l'un de ceux qui, dans l'histoire du rap, a frappé le plus fort. Il cogne, avec conviction, il est l'illustration même du mot "banger". Et naturellement, comme tout tube de cet acabit, il a connu de multiples reprises et remixes. L'un d'eux, officiel, a été enregistré avec Busta Rhymes, Teflon et Remy Martin, alias Remy Ma. L'intervention de cette dernière est brève, mais elle s'y montre dans son élément, étant elle-même l'adepte d'un rap qui tabasse. A cette époque-là, en 2001, elle n'a pas encore sorti d'album, et le succès ne commencera qu'avec "Lean Back", un morceau du Terror Squad de Fat Joe, dont la rappeuse est devenue la protégée, après que son premier parrain, Big Pun, ait passé l'arme à gauche. Mais déjà, le parcours de Remy Ma justifie son statut de fille pas facile.

REMY MA - There's Something About Remy: Based On a True Story

Reminisce Smith (plus tard Reminisce Mackie), en effet, a grandi dans un foyer bousillé par la drogue, et elle a dû s'occuper seule de sa famille. Elle est donc une fille de la rue, agressive, irascible, comme le montreront ses conflits avec Foxy Brown, puis avec Nicki Minaj. Son penchant pour la violence l'enverra d'ailleurs pour un long moment en prison, pour une sombre histoire d'attaque à l'arme à feu sur une fille qu'elle accusera de l'avoir volée. Et son premier album (le seul pendant longtemps, du fait de son incarcération), un disque de major fort de l'appui de grands noms de la production (Buckwild, Cool & Dre, Swizz Beatz, Scott Storch, The Alchemist, David Banner) la montre pour ce qu'elle est : une fille qui en a. Elle l'affirme elle-même sur "I'm" : "I rap as if I had a dick". Je rappe comme si j'avais une bite...

"Quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire, je suis ta seconde rappeuse préférée ? T'es dingue ? Je vaux bien plus que la plupart de ces nègres. Suce ma bite".

C'est ainsi que Remy Ma plante le décor, au début de l'album. Et elle prolonge le propos dès le premier vrai titre, "She's Gone", affirmant avec virulence sa supériorité sur les autres, ainsi qu'avec d'autres égo-trips encore, comme "Tight", avec Fat Joe, et le susnommé "I'm". Ces grosses rodomontades, elle les renforce souvent d'une musique taillée pour les pistes de danse, comme avec le bruyamment festif "Whuteva", un single produit par Swizz Beatz, ou cet autre, "Conceited", sublimé par des sonorités aux saveurs orientales travaillées par Scott Storch, et où la rappeuse autocélèbre son sex appeal. Et quand ce n'est pas son physique qu'elle met en avant, c'était son pedigree de gangster sur "Secret Location", c'est ce grain de folie qui lui fait écraser un enfant (avec un brin de remords, tout de même), sur "Guilty".

Le reste de l'album diversifie le style et le propos. Comme l'exige le plus souvent une sortie en major, il cherche à toucher un maximum de publics. Ainsi voit-on la rappeuse rendre un hommage au rap des années 80 sur "Lights, Camera, Action", se lancer dans des romances avec le chanteur R&B Ne-Yo sur "Feels So Good", puis avec Big Pun, de manière posthume, sur "Thug Love". Elle s'adonne aussi à des moments plus intimes, quand elle se penche avec "Crazy" sur sa personnalité dérangée, quand elle livre une adresse à ses proches sur "Still" ou, avec l'aide Keyshia Cole sur "Whats Going On", quand elle joue de la corde sensible en se confiant sur une grossesse non désirée. Mais même là, les aspérités demeurent, sa brutalité transpire. C'est encore et toujours Remy Ma la hargneuse, la belliqueuse. C'est celle qui, sur "Bilingual", accompagnée de la star portoricaine Ivy Queen, multiplie les outrances, et en deux langues s'il vous plaît. C'est cette Reminisce-là, la vraie, celle dont il faut d'abord se souvenir.

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