La nomination de Kodak Black parmi les Freshmen de l'année du magazine XXL n'a pas fait que souligner, avec un peu de retard, l'excellence de ses sorties passées. Elle n'a pas été non plus qu'un soufflé, cuisiné en sous main par son nouveau label, la major Atlantic ; pas que, en tout cas. Dans ce cas précis, cette désignation est fondée. Car en 2016, le Floridien a continué sur la lancée de Heart of the Projects et Institution. Il nous a livré pour la troisième fois, à toujours pas 20 ans, l'une des sorties marquantes de l'année. Et il l'a fait avec une bonne dose de provocation, nommant cette mixtape, Lil B.I.G Pac, d'après les deux légendes les plus absolues du rap, et détournant la pochette du classique de l'un d'eux.
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Cette allusion à 2 Pac et à Biggie, toutefois, n'est peut-être pas celle que l'on croit. Le rap de Kodak Black ne leur ressemble pas. Et plutôt que pour leur aura mythique, c'est peut être bien pour leurs destins tragiques que le Floridien a choisi de s'identifier à eux. Le ton de la mixtape le laisse penser. Certes, les vantardises et les propos clinquants n'en sont pas absents, comme dans le cas de "Big Bank", de ce "Today" aux accents latinos, où il se présente comme un être asocial et sans vergogne, et de "Vibin In This Bih", une collaboration avec Gucci Mane, où il est question de rouler des mécaniques en club. Mais ailleurs, la déprime domine.
Sur "Slayed", en compagnie de son idole Boosie Badazz, et parmi diverses considérations sur les filles et l'argent, il se remémore ses amis perdus. Sur "Purp", l'ambiance est au défaitisme. Sur un "Can I" qu'il chantonne presque, il s'interroge sur les rares plaisirs que la vie saura lui offrir, celui d'élever son fils, par exemple. Sur le très accrocheur "Two Many Years", entre les refrains du chanteur PnB Rock, il regrette le temps gâché en prison, et les mauvais tournants pris pendant son existence. Cette déprime est accentuée par sa voix, par ce marmonnement où il mange les syllabes. Elle l'est aussi par une musique dont les auteurs sont quasiment tous méconnus (hormis Da Honorable C-Note), mais qui excelle à jouer de sons en berne : ici une guitare molle, là un piano pathétique, ailleurs un synthétiseur amorphe, souvent des basses sourdes et lourdes.
Fréquemment, aussi, le gamin des projects de Floride fait preuve de la maturité du délinquant revenu de tout. Les propos de Kodak Black s'insèrent en effet dans un contexte social, et ils contredisent les traditionnalistes, ceux même selon lesquels le rap d'inspiration trap serait dépourvu de réflexion. Le Floridien, au contraire, en livre beaucoup, sur un ton pessimiste et désabusé. D'entrée, sur "Everything 1K", il exhorte les jeunes sauvageons comme lui à se satisfaire du cadeau qu'est leur vie, fut-elle difficile. Plusieurs fois, il fait part de son expérience carcérale, avec recul : sur "Gave It All I Got" et "Blood Sweat Tears Revenge", quand il nous parle de la fuite de ses soi-disant amis pendant qu'il était au trou ; et avec "Letter", qui illustre au contraire une forme de camaraderie, dans l'échange épistolaire entre deux hommes dont les vies sont rythmées par les allers-et-retours en cellule.
Cette vie, malheureusement, est bel et bien celle de Kodak Black. Alors que cette mixtape, à peu près aussi réussie que ses sorties précédentes, était destinée à le mettre sur orbite, le jeune rappeur a été de nouveau incarcéré, quelques semaines plus tard, donnant ainsi raison à ses propos sur "Too Many Years", quand il se dit trop tourné vers la rue pour pouvoir réussir dans l'industrie du disque. Comme quoi, les vrais Freshmen ne sont pas toujours ceux vraiment destinés à la gloire.
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