La voiture a souvent occupé une place centrale dans le hip-hop, et tout particulièrement dans sa déclinaison gangsta. Ce n’est pas un hasard si tant de disques et de vidéos rap en ont exhibées, si le hip-hop de truand ne s’est jamais aussi bien épanoui qu’à Los Angeles et à Houston, des villes tentaculaires connues pour vouer un culte à l’automobile, et si quelques uns de ses disques importants, ce Music to Driveby par exemple, font nommément référence au plaisir de conduire. A tous ceux qui n’ont jamais goûté ce style, le titre de cet album de Compton’s Most Wanted livrait un précieux indice : car c’est bien ainsi, quand, au volant, on s'apprête à conquérir le monde, que le gangsta rap s'apprécie le mieux.

COMPTON’S MOST WANTED - Music to Driveby

Orpheus Records :: 1992 :: acheter cet album

Enregistré quasiment en solo par MC Eiht, son comparse MC Chill étant alors incarcéré, le troisième album du groupe nous offrait du rap de gangster dans toute sa splendeur, à la limite du cliché, dans le plus pur respect de la formule popularisée par N.W.A, puis perfectionnée à la sauce g-funk. Saupoudrés des "g'yeah" caractéristiques du rappeur, les textes abordaient les thèmes de rigueur.

Sur Music to Driveby, il était question de la pauvreté du ghetto ("Niggaz Struglin’"), de la dureté des gangs ("Walk on By", "This Is a Gang") et de délinquance ordinaire ("Jack Mode", "N 2 Deep" avec l’excellent Scarface). Le rappeur se fendait aussi d’un hommage au quartier avec "Compton 4 Life", et donnait dans une misogynie habituelle sur "Hoodrat" et "U’s a Bitch". Enfin, teigneux, MC Eiht déversait de la bile, il donnait dans le "beef", dans le "diss", se joignant à la guerre Est / Ouest en répondant au "Fuck Compton" de Tim Dog sur "Who's Fucking Who?", et attaquant à trois reprises, rien que ça, le voisin DJ Quik.

Les paroles étaient mordantes, mais les beats, cools et suaves, étaient en parfait contrepoint. Les sons proposés par The Unknown DJ et par quelques autres samplaient en effet massivement la soul généreuse d’Isaac Hayes et de Barry White sur "Hood Took Me Under", "Niggaz Strugglin", "Another Victim" et "I Gots ta Get Over", et les instrus étaient dotées d’un feeling très live avec la basse douce et funky de "Duck Sick II", la guitare acerbe de "Dead Men Tell No Lies" et les coulées de saxophone, de piano et d’orgue de "Hoodrat" et "U’s a Bitch". Tous ces titres, soyeux, gouleyants, transformaient le gangsta rap en une musique d’ambiance, en un easy listening pour criminels, en une bande-son à apprécier pleinement les mains sur le volant. A écouter bercé par les cahots de son véhicule.