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Voilà donc deux albums que le rappeur d’Emanon se tourne vers une soul classieuse façon années 60 / 70. Et pas en mâtinant son hip-hop de quelques sonorités échappées de cette période. Non, en chantant comme à l’époque. La grande différence avec ses prédécesseurs néo-soul, ou nu soul, toutefois, c’est qu’avec lui ça marche, qu'on y croit pour de bon. Qu’il est même plus passionnant sur son dernier album, le modestement intitulé mais justement remarqué Good Things, qu’il ne l’a jamais été en tant que rappeur, au sein d’Emanon.

Pour notre homme, le vent a commencé à tourner quand son "I Need a Dollar" s’est retrouvé au générique de la série américaine How to Make It in America. Le morceau était entrainant, attachant, et il annonçait la principale caractéristique de l’album : sous ses atours luxurieux, par-dessus les sons riches en cuivres, cordes, orgue, voire guitare wah-wah (le très blaxploitation "Hey Brother") assurée par la Truth & Soul Production, Aloe Blacc se fait le chroniqueur des difficultés de l'époque, de l’Amérique d’après la récession et ses 10% de chômeurs.

D’autres titres que "I Need a Dollar", comme "Life So Hard", creusent cette veine. Cependant, avec notre rappeur devenu chanteur, le commentaire social sait aussi s’effacer devant des chansons d’amour ("You Make Me Smile"), une émouvante démonstration de piété filiale ("Mama Hold My Hand") ou quelques passages plus optimistes, comme un "Green Lights" aux intonations très Stevie Wonder.

Aussi, "I Need a Dollar" se montre assez anodin, comparé à d'autres moments de Good Things, comme cette reprise toute en cordes et en chœurs de "Femme Fatale", qu’Aloe Blacc s’accapare avec maestria, éclipsant Nico et faisant passer le titre vénéneux du Velvet Underground pour un standard Black Music. Le passage le plus irrésistible, c'est cependant un autre, à savoir ce "Miss Fortune", qui conte une rencontre manquée avec la chance et flirte délicieusement avec le reggae.

Ce qui sépare Good Things d’autres entreprises revivalistes, c’est cette capacité à réactualiser de façon imperceptible une formule atemporelle, comme avec la batterie trépidante de "Loving You Is Killing Me". C’est aussi, peut-être, cette sensibilité musicale qu’ont parfois les rappeurs qui savent tâter de l’instrument, comme Aloe Blacc lui-même, qui a pratiqué autrefois la trompette, la guitare et le piano. C’est cela sans doute, et d’autres détails, qui font de Good Things la preuve qu’avec la néo-soul, il est possible d'aboutir à autre chose qu’à de la vraie soupe.