Le Mot et le Reste :: 2009 :: guillaume-kosmicki.org :: acheter ce livre

Mais non. En fait, c’est même tout le contraire. l'auteur, musicologue de son état, rappelle à plusieurs reprises à quel point les formules journalistiques maintes fois usitées, façon "Pierre Henry, grand-père de la techno", ont tout faux, en quoi elles inventent une filiation erronée entre deux mondes qui se sont longtemps ignorés.

L’histoire racontée par Guillaume Kosmicki est vaste. Elle ne parle pas que des musiques électroniques au sens où on l’entend usuellement, c'est-à-dire des genres nés des explosions techno et house à la fin des années 80. Elle ne se contente pas de traiter des musiques électroniques stricto sensu, qu’elles soient populaires ou savantes. Non, ça va au-delà. L’auteur parle en fait de toutes les transformations que la technologie a fait subir à la musique récente et actuelle.

C’est donc la musique de toute la seconde moitié du XXème siècle qui défile, y compris le jazz et le rock, quand Kosmicki explique ce que ces genres ont dû à l’amplification et aux nouvelles techniques de manipulation du son. L’auteur remonte même plus loin, jusqu’à Beethoven, jusqu’à des compositeurs anciens restés fidèles à la lutherie occidentale classique, mais qui, par leurs prémonitions, ont annoncé les innovations formelles à venir des musiques électroniques.

Kosmicki parle de tout. Il va même au-delà de son cœur de métier, la musique, en abordant les sujets sociologiques liés au phénomène rave, en parlant longuement des travellers et de leurs préceptes, en abordant des questions de législation.

Comme souvent avec la collection Formes, ce livre fait preuve de pédagogie. l préfère l’explication à la polémique, adoptant un point de vue consensuel plutôt que défendant des thèses. Ce livre, l’auteur aurait pu le sortir chez Que-Sais-Je? s’il avait écrit moins de pages, ou le nommer La Musique Electronique pour les Nuls, puisqu’il s’emploie à faire le tour du sujet, à ne rien laisser de côté.

C’est le grand avantage de l’ouvrage, mais c’est aussi sa limite. L’auteur a voulu compiler une somme, mais à force de vouloir tout aborder, il en est parfois superficiel. Tout est traité, mais vite. Dans les passages consacrés au rock, notamment, les étiquettes valsent de façon approximative et aléatoire, quand Bowie et les Talking Heads se retrouvent catalogués prog rock, quand Suicide se voit qualifié de groupe no-wave, tant et si bien qu’on a parfois l’impression de lire cette encyclopédie grand public très imprécise qu'était autrefois le Quid.

Certains partis-pris sont légers, par exemple quand Kosmicki rejette ABBA et Boney M dans le même bain d’une disco dégénérée. Apparaissent aussi les traces d’un certain romantisme de gauche bien français, qui conduit l’auteur à parler constamment de "récupération", quand le terme "popularisation" conviendrait tout autant, ou à décrire avec exagération ces musiques comme le produit de la noirceur des ghettos, ou de la dureté des libéralismes thatchérien et reaganien.

A force de vouloir tout passer en revue, le livre prend le risque de ne contenter personne, d’être trop touffu pour les néophytes, mais de ne pas apprendre grand-chose aux amateurs de ces musiques. Parce qu’il privilégie les artistes représentatifs des genres divers qu’il aborde, Kosmicki ne leur fera rien découvrir.

Mais il devient plus captivant quand il déploie tout son savoir de musicologue pour expliquer en quoi les musiques électroniques, les savantes comme les populaires, ont renouvelé les formes et les axes de réflexion de la musique occidentale, quand il détaille quelles sont, d’un point de vue formel, leurs originalités et leurs grandes spécificités. Ce sont dans ces détails techniques, mais toujours exposés de manière claire et didactique, que réside en premier lieu l’intérêt de cet ouvrage.

Un ouvrage recommandable, donc, même si le grand public devra se faire aux listes de noms étalés à l’envie, sans être vraiment creusés. Et même si, pour les connaisseurs, ce Musiques Electroniques prendra souvent l’allure d’une révision.