Dave ! En découvrant le programme du soir après qu’il ait été glissé sous la porte de la cabine, un doute demeure. Certes, les feuillets nous annoncent que le spectacle de ce soir portera sur le répertoire du chanteur néerlandais, mais sera-t-il présent en personne ? Ses titres ne seront-ils pas interprétés par un quelconque chanteur de charme pour dames vieillissantes, par un clone de l’original ? Eh bien non, même pas, c’est bien le véritable Dave qui se présente devant nous ce soir, l’artiste venu du Nord si populaire dans la France des années… 80 ? 70 ? 60 ? Lesquelles au juste ? Peu importe au fond. Peu importe aussi que les Italiens de la salle s’interrogent sur la provenance de cet hurluberlu tout vieux, tout blond et tout petit. Car ce soir, introduit dans un tonnerre d’applaudissement par Philippe, ce charmant ersatz de Julien Lepers qui anime la croisière, Dave est parmi nous !
D’emblée, l'ami de la mimolette se lance les titres phares de sa carrière, dans ces grands succès des années 80, 70 ou 60, qu’importe. Des "Vanina", des "Dansez Maintenant", des "Du Côté de chez Swann", dont je réalise, dans un mélange de stupéfaction, d’horreur et d’amusement, connaître une bonne part des paroles. Et je ne suis pas le seul : près de moi, une femme reprend chaque mot en soulevant ses fesses et en tapant énergiquement des mains, pendant qu’à ses côtés, les yeux écarquillés, atterré, un enfant apeuré doute pour la première fois de sa mère.
Car c’est qu’il s’y connaît, le Dave, il sait chauffer les foules. On sent le métier, l’expérience, la pratique accumulée au contact des salles combles, puis des soirées de gala pour les vieux. Il connaît les moyens les plus éprouvés pour faire participer le public. Avec lui, s’engagent des exercices aussi ludiques qu’interactifs, ce genre de jeux où il faut lever les bras et taper du pied. Il fait aussi monter les enfants sur scène pour reprendre en chœur des chansons qu’ils n’avaient jamais entendu avant (les miens n’ont pas voulu : braves petits). Surtout, il se démène. Il s’agite, il saute, il parcourt la scène en tout sens, il monte sur le piano, il descend dans la salle, il bouge tant et tant qu’autour de moi, les remarques d’admiration fusent :
- Il a de l’énergie, dites-moi, pour son âge ?
- Ah ça oui. Et quel âge a-t-il au juste ?
- Oh, il doit avoir celui de ma tante. Il a bien 60 ans.
63, à en croire un connaisseur. Et à cet âge respectable, Dave maîtrise toutes les ficelles pour se rendre aimable auprès des gens de sa génération, voire auprès des plus vieux encore. Avec son humour gentil pour gens d’un certain âge, il séduit la clientèle du soir. Il fait allusion à Monsieur le Curé quand il demande aux hommes, aux femmes puis aux vierges d’entonner "alléluia" à pleins poumons, il ironise sur son âge, sur son statut d’has-been et d’éternel revenant de la chanson française, mais avec distanciation et une absence totale d’amertume (en contrepoint, dois-je vous faire un retour du déjeuner partagé le même jour avec Danièle Gilbert ?).
Bref, Dave a fait le deuil de ses grandes années, il pratique l’autodérision, il ironise sur son statut de ringard, et ce faisant, il continue de s’amuser. Ce soir, je ne me suis pas rendu à la séance de dédicaces qui a suivi et je n’ai pas acheté son dernier disque. Je lui en ai même voulu toute la semaine de m’avoir mis "Vanina" dans la tête. Mais à présent, je suis certain d’une chose : Dave est un type sympa.
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