Cavemen Speak, ça a toujours été le pendant européen d’Anticon. Certains les apprécient pour ça, d’autres le leur ont reproché, les taxant de sous-produit, et les deux Belges eux-mêmes n’ont jamais renié cette influence, bien au contraire. Il était donc logique que le groupe de Courtrai suive l’évolution du label emblématique du rap de blanc déglingué. En 2006, quelques mois après les originaux, Siaz de Cavemen Speak propose donc son propre 13 & God, accompagné à l’occasion par son copain suédois Marcus Graap, lui-même issu de Stacs of Stamina, les hérauts de l’eurocrunk (oui, ça existe). Comme pour mieux faciliter la comparaison avec le projet commun de Themselves et du Notwist, Markus Acher est aussi de la partie, ainsi qu’Alias et d’autres gens de l’entourage d’Anticon, comme Bleubird et Lord Grunge de Grand Buffet. Sans compter d’autres invités encore, parmi lesquels les Italiens de Giardini di Miro, et un contingent issu de Morr Music et composé de Styrofoam, de B. Fleischmann et de Populous.

ZUCCHINI DRIVE - Being Kurtwood

La réunion de tous ces gens bien aboutit à un patchwork musical plein à ras-bord d’idées. Des idées pas toujours originales, des idées qui évoquent toutes quelque chose de déjà entendu. Mais de bonnes idées quand même. De jolies guitares, par exemple sur "Earth to Kurtwood", l’un des moments forts de l’album. De petits crépitements électroniques. Des scratches placés aux bons endroits. Des accélérations bienvenues et des refrains hauts en couleur. Un sitar ("Bonafied Gambler"). De belles nappes progressives sur le très réussi "Vagabondage", une production de Styrofoam. Et un "Easy Tiger" avec Bleubird qui n’est pas devenu le single pour rien, un titre véritablement accrocheur avec son synthé qui triture les oreilles et son refrain repris en chœur. Bref, Zucchini Drive et leurs dizaines de copains proposent des pièces de choix et une musique qui laisse difficilement prise à la critique, sauf à chercher la petite bête.

Pourtant, ce Being Kurtwood souffre des mêmes défauts que d’autres sorties Cavemen Speak, comme aussi le récent projet commun de Nomad et du Canadien Epic : il y a ici quelque chose de trop propre, de trop pensé et de trop appliqué. Il y a surtout une grosse différence avec Anticon. Tout n’est pas bon sur le label de Sole, mais la synthèse entre hip-hop, pop indé et bouts d’électronique y coule de source. C’est un produit naturel, une fusion accomplie par des gens biberonnés à tous ces genres. Alors qu’ici, la musique proposée n’est convaincante qu’accompagnée de chants, comme si elle était faite substantiellement pour ça, comme si la greffe rap était un peu forcée. Les deux Zucchini Drive ont beau finir "Banned for Poland" avec des "booyaka", on n’y croit pas vraiment. Il y a des poings levés qui n’engagent à rien, de la hargne qui ne remue pas les tripes. Il y a ici une belle pop électronique qui ne s’assume pas, qui s’encanaille sans grande raison avec des raps qui sont peut-être tout bonnement superflus.

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