"Sooooo 2000", comme dirait quelqu’un que je connais. Def Jux est "sooooo 2000". Le label d’El-P, c’est du hip-hop underground par excellence, mais du hip-hop bloqué au compteur d’il y a six ou sept ans, de l’époque où un certain public rap averti ne jurait que par des Madlib, MF Doom, Aesop Rock, Slug et Non Phixion encore méconnus. Tout cela est si loin, ce rap et l’autre ont tellement évolué... Mais pour Def Jux, rien n’a bougé. L’ex-producteur de Co-Flow s’est figé dans ses beats industriels psychédéliques de fin du monde. Ce sont toujours les mêmes sons que ceux de The Cold Vein, mais en moins neufs, en moins impressionnants, en rabâchés. Et Mr. Lif est toujours là. Ce qui ne rajeunit personne. Même en 2002, lorsqu’est sorti I Phantom, le rappeur nasillard au phrasé de robot semblait anachronique, échappé on ne sait comment d’un souvenir de jeunesse. C’est donc presque avec surprise qu’on le voit reparaître avec ce qui n’est finalement que son deuxième album, façon "ah oui, c’est vrai au fait, il existe celui-là".

MR. LIF - Mo'Mega

Alors, bien sûr, Mr. Lif vient nous dire qu’il n’aime pas George Bush (et Bill Clinton pas davantage, d’ailleurs), que le capitalisme ça n’est pas bien, que McDonald's ça n’est pas bon, et qu’en Afrique il y a des guerres qui tuent des gens. C’est des poncifs, c’est attendu, c’est creux. Mais finalement, et parce qu’aujourd’hui aucun auditeur sain d’esprit n’attend plus grand-chose de Def Jux, ce Mo’Mega dévoile quelques charmes passagers. Difficile de ne pas concéder à "Brothaz" une certaine efficacité, tout commentaire sur le discours politique du rappeur mis de côté. En forçant, la lettre de Mr. Lif à son fils ("For You") n’est pas sans intérêt. Et même s’il est un peu linéaire, le "Murs Iz My Manager" funky en diable produit par Edan introduit dans cet ensemble dense un peu de la fantaisie créatrice propre à l’auteur de Beauty and The Beat.

Certes, c’est maigre. Certes, le reste tourne un peu à vide. Mais si, magnanimes, nous jugions ce nouvel album de Mr. Lif toutes choses égales par ailleurs, en dehors du temps ? Et si nous l’évaluions comme le nouveau disque d’un inconnu, plutôt que comme celui d’une ex-future gloire, plutôt que comme celui d’un espoir déçu de Def Jux, d’un artiste "sooooo 2000" ?

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