Il y a quelques mois, grâce au très bon Synchronicity, le rappeur et producteur Courdek avait attiré nos oreilles sur la scène rap de l’Arizona et le collectif Avenue of the Arts. Il était donc tout naturel de prospecter un peu plus de ce côté, en commençant par l’écoute attentive de Unplug, le tout premier album sorti par ces gens. Et cette fois encore, notre curiosité est récompensée. Ce solo signé par Ill Al the Anglo-Saxon est fait de la même matière que celui de son compère. Formellement, ce hip-hop ne change toujours pas la donne. Le rappeur s’exprime dans un registre "rap conscient" éprouvé : il se lance dans la politique et dénonce le travail des enfants, il aime Dieu, il rend hommage à son genre de prédilection sur des sons funky ("It’s called Breakin") et il se lance dans quelques hymnes rap bien sentis ("Isforthe", "Traveling"). Sa musique est composée des boucles et scratches rituels, et de quelques extraits de classiques hip-hop du passé, comme "Follow the Leader" sur ce "Lead" synthétique et sautillant produit par Life Rexall des Shapeshifters, présent aussi aux raps avec ce bon vieux LMNO. Quant au phrasé de l’Anglo-Saxon, il est sans grande surprise, même si un passage live ("Walkman") montre qu'avec dix ans de pratique derrière lui, Ill Al n’est pas le premier MC venu.

ANGLO-SAXON - Unplug

Comme sur Synchronicity, c’est du rap, du pur, mais assemblé comme le genre l’est rarement. Jamais ses paroles "conscientes" ne sonnent vide, jamais ça n’est de la recette. Celui dont le vrai nom est Alan Taylor a connu pour de bon des moments difficiles dans sa vie. Enfant, il a vu son père mourir tragiquement après avoir tenté de massacrer sa famille. Alors forcément, ça laisse des traces, ça vous façonne le rappeur. Quant à la musique, elle mérite le même jugement favorable. Dans l’ensemble, les beats sont exemplaires. Sur un titre comme "Keep It", par exemple, le meilleur de l’album, les boucles trouvent le point d’équilibre parfait entre répétitions et variations. Ailleurs, ce sont des handclaps et des rythmes subtils sur des sons assez rétro, orgue ("Breaking Up/Power Trip") ou guitare jazz ("Traveling"), qui font mouche. Et il ne faut pas omettre non plus "This Old House" et son piano et sa clarinette rétro, le sombre "Cold Pressure" avec Ohm et Am Doogan et les chœurs trafiqués de "Free Masonry".

S’il faut poursuivre la comparaison, il faut aussi reconnaître que Unplug se montre moins constant que Synchronicity et que sa "musicalité" (bouh le vilain mot) est moindre. Ce long disque de plus d’une heure n’est pas exempt de remplissage, il traverse quelques passages à vide. Mais pour le reste, c’est exactement la même chose : une musique difficile à caractériser et à distinguer du lot, sinon par le soin qui a été mis, jusque dans le packaging. Avenue of the Arts, à ce jour, c’est davantage la synthèse et l’aboutissement de la longue histoire du hip-hop qu’une rupture ou une révolution. Mais parfois, c’est exactement cela qu’il nous faut.

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