Four Music / Columbia :: 2000 :: acheter ce disque

Le monde de la musique est impitoyable, et celui du hip hop ne déroge pas à la règle : The Pharcyde ont beau être responsable d'un album fondamental du genre, A Bizarre Ride II the Pharcyde, et d’une suite honorable, Labcabincalifornia, une raison triviale, le manque de succès commercial, a conduit leur ancien label à se débarrasser d'eux. C'est donc sur un label allemand, et sans Fatlip parti vers d’autres cieux, que sort ce troisième opus, Plain Rap, évidemment sans grand raffut marketing et dans une relative discrétion. L'avantage de la situation, c'est tout de même, pour ceux qui avaient en leur temps apporté une alternative crédible au son gangsta de la Côte Ouest, de pouvoir rester fidèle à eux-mêmes. Pour preuve la parodie "LA", attaque en règle contre leur ingrate cité d’origine.

Sur Plain Rap, The Pharcyde fait donc du Pharcyde, et c'est globalement une bonne idée. En dépit d'une production rap prolifique ces temps derniers, le hip hop agréable, positif, léger qui les caractérise se fait, et c'est bien dommage, relativement rare. D'emblée, on croit même à de l'excellent, tant le premier titre, "Trust", chanté en grande partie, entraînant, rempli de trouvailles sonores amusantes et pertinentes, s'avère craquant. Même jugement pour le suivant, "Network" (où intervient Black Thought des Roots), comparable quoique moins hitesque et immédiat. D'autres moments seront aussi réussis, comme la trop brève seconde partie, purement instrumentale, de "Guestlist", dans un registre plus lent et plus touchant.

Mais une vue d'ensemble conduit toutefois à relativiser cet enthousiasme. Plain Rap, manque trop souvent de substance, confirmant les limites fréquentes de ce rap lent, décontracté et plaisant, mais peut-être moins exubérant qu’autrefois. La plupart des titres ont beau reproduire la formule des deux premiers, ils s'avèrent bien souvent inoffensifs. The Pharcyde commet même l'erreur de manquer sa fin, le lent "World" ne réalisant manifestement pas sa délicate mission. Quelques morceaux mêmes sont à qualifier de douteux, exemple un "Misery" franchement trop lisse, limite r'n'b, dans le genre "Common regarde trop dans la glace sa face de rappeur conscient de la mort". Heureusement que dans un registre très proche, "Somethin" et "Evolution" sont franchement plus réussis.

Au final, The Pharcyde signe un disque correct, une suite plus qu'honorable aux épisodes précédents, mais qui risque de sombrer rapidement dans l'oubli : marketing déficient, et titres sans doute pas franchement pérennes, le tropical "Rap Blaze", les tout à fait sympathiques "Rush", "Guestlist" et "Frontline" ne suffisant assurément pas à offrir une suite crédible à leur génial premier album. Reste à voir ce que Imani, Slimkid et Bootie Brown seront capables de livrer à l’occasion de leur prochaine collaboration avec les Souls of Mischief, autres vétérans dans une position comparable à celle de The Pharcyde. Au milieu du gué.