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Il y a vingt ans, quand le format vinyle, salutaire, évitait ce fléau de notre temps que sont les disques à rallonge, n’importe qui aurait appelé cela un album. Mais voilà, J-Zone, rappeur blanc des environs de New-York, déjà auteur d'un Music for tu Madre de haut vol, a décidé que ces 15 plages (dont quelques "skits") seraient son deuxième EP. Peu importe la catégorie, son A Bottle of Whup Ass est carrément l'un des meilleurs disques parus en cette pourtant très riche année 2000. Voire, plus encore, l'une de ces œuvres rarissimes qui, d'un coup d'un seul, à la manière d'une révélation, font entrevoir l'avenir de tout un genre. Osons d'emblée cette affirmation : A Bottle of Whup Ass est le futur du hip hop. Du moins est-ce tout ce que l'on souhaite au hip hop.

Non pas que l'album (appelons-le ainsi, cet EP en a l'aspect, l'impact et la solidité) soit particulièrement novateur. Aucun élément formel ne distingue outrageusement A Bottle of Whup Ass de ses contemporains. Sinon qu'il ne donne ni dans le conscious rap caricatural et casse-bonbons, ni dans la pseudo-exprimentation, pratiquée à tout va par la plèbe du hip hop underground ces derniers temps. Mais la force qui se dégage des compositions est elle quasiment inédite, du genre à faire pisser de plaisir (voire l'autre chose décrite sur "Nocturnal Emission"). Inventif dans ses samples et dans ses paroles, J-Zone, MC et producteur, délivre avec constance le hip hop prodigue et généreux, qui, ça devient flagrant, nous manquait de longue date.

Dès l'orgue de "The Zone Mission (part VIII)", entrecoupé par moments de samples bizarres et désuets, J-Zone propose le titre accrocheur et gorgé d'idées que n'ont jamais réussi les Jurassic 5. La flûte et les "ooaah" étranges de "No Consequences" embrayent avec le même bonheur, pour un titre incomparablement différent mais sur lequel souffle le même esprit. Il se perpétue sur le violon lancinant de "190". J-Zone a beau systématiquement changer d'instrument titre, son disque ne départit pas d'une sonorité vieillotte, sortie d'une fête foraine ou d'une vieille guinguette qui, avec l'humour et les allusions sexuelles du rappeur, concourent à l'unité de l'album.

Puis surgit "Orphan Babies" : un nouvel orgue, sorti d'un cirque quelconque, mais étiré, larmoyant, lui aussi parcouru de cuivres, preuve ultime que la perfection est de ce monde. Impossible donc pour J-Zone de se surpasser par la suite : "The First Day of School" paraît bien pâle par rapport à son prédécesseur. Heureusement, le rappeur reprend rapidement son disque en main, notamment avec le sample de voix féminine de "Holy Water", avec un "Extra Duck Sauce" vaguement sinisant et avec "Calamine Lotion", une drôle de démonstration de turntablism, trompette et larges extraits du patrimoine hip hop à l'appui.

Foin des rappeurs attendus à l'orée de cette année 2000 : ni J-Live, ni Jay-Dee, ni le Bottle of Humans de Sole. J-Zone et son A Bottle of Whup Ass les dépassent tous de la tête, des épaules et du reste du corps. Seuls un ou deux morceaux, excellents mais un brin en-dessous du surnaturel ensemble, et la nécessité de garder calme et sang-froid, expliquent qu'après toute cette dithyrambe, cet EP ne recueille pas la note maximale. Sans doute sera-ce le cas de son futur véritable album, compilation annoncée de ses travaux antérieurs.