Abrams Books :: 2010 :: acheter ce livre

S'il ne provoque pas l'hilarité, Understand Rap parvient tout de même à nous arracher quelques sourires. Le livre se présentant comme un véritable manuel, comme une œuvre d'utilité publique, il amuse par son ton pince-sans-rire, par cette manière qu'il a de retranscrire, avec neutralité et distance, des propos souvent fleuris. A lire l'introduction, très propre, très docte, ou ces remerciements finaux à papa, à maman et au petit Jésus (oui, je sais, les rappeurs les plus gangsta en font autant), on se demande même, parfois, si c'est du lard ou du cochon, si l'auteur, finalement, ne prendrait pas tout cela au sérieux pour de bon.

L'entreprise amuse aussi par cette manière de broder, d'extrapoler, d'écrire des traductions infiniment plus longues que la phrase d'origine, comme pour mieux souligner, en creux, la richesse sémantique du rap. Prenons pour exemple cette citation de Snoop (Doggy) Dogg, issue de l'excellentissime "Gin and Juice" :

G's up, hoes down: it is good practice to elevate fellow gangsters who are few in number to a position of equality and respect and to place no value on women of questionable reputation who are many in number. Regarding males and females who don't fall into either of these categories, I don't have any recommendation (p. 50).

Mais à force, on se fatigue de l'exercice et de ses grosses ficelles. On reste circonspect quand, l'auteur, William Buckholz, prolonge artificiellement le plaisir en traduisant, en plus des mots d'argot, des termes compréhensibles à tous. Ainsi le mot "pain" ("bread") devient-il "de la nourriture obtenue en mélangeant de l'eau avec de la farine" ("food made by mixing water with ground flour"). Il s'amuse tant de cet exercice d'explication que, ses traductions en deviennent moins intelligibles que les citations d'origine. Mais peut-être est-ce le but poursuivi : démontrer à quel point les rappeurs excellent par leur concision et par leur éloquence...

Understand Rap démontre, en fait, que le même contenu ne s'accommode pas toujours de formats différents. Sur le site Web, l'exercice est plaisant. Le lecteur va consulter ces traductions au hasard des pages, il va s'attarder sur les unes, zapper les autres, rire de certaines. Et puis, quand il en aura assez, il partira du site, tout simplement, quitte à le redécouvrir deux mois plus tard. Tirant profit de l'interactivité offert par le Web, l'internaute peut aussi s'amuser à proposer ses propres interprétations, ou donner une note à celles qui existent. Bref, sur Internet, ça peut être distrayant et bon enfant. Mais sur livre, c'est lourd.

Le format papier n'apporte rien. Ah, si : via sa catégorisation des citations, le livre donne une idée représentative des thématiques prisées par les rappeurs, soient l'argent, les drogues, les insultes, les bagnoles, le sexe, les armes, la mode, les fanfaronnades, et quelques autres. Et à regarder quels rappeurs sont cités, il saute aux yeux que les Sudistes et les gangstas sont les plus drôles, les plus créatifs, les plus riches en réparties improbables, en images marquantes, en propos haut-en-couleur. Mais à part cela, Understand Rap ne démontre qu'une chose, connue de longue date : que les blagues les plus courtes sont toujours les meilleures.